Friday, May 26, 2006

À gauche, du nouveau!

Une entrevue avec Molly Alexander,
co-porte-parole de l’UFP et étudiante à Concordia.


Entrevue menée le 17 décembre 2002.


La vie est pleine de ces événements inimaginables qui nous tombent dessus alors qu’on s’y attend le moins : on se branche sur Internet un petit douze ans et hop! c’est à nouveau la guerre en Irak; on passe un peu de temps de qualité avec son PlayStation et le temps d’aller pisser, hop! on apprend qu’entre-temps nos chefs politiques nous engagent dans un accord de libre-échange à la grandeur de l’Amérique; on se permet d’étudier une ou deux sessions et hop! on réalise qu’entre-temps notre propriétaire a augmenté le loyer de 100$.


Pendant que certains dorment sur les injustices sociales, d’autres veillent. Molly Alexander s’est impliquée dans la toute nouvelle union des forces progressistes (UFP), un nouveau parti qui offre aux Québécois une alternative à la gauche des partis traditionnels, dont elle est devenue la co-porte-parole. Et comble de bonheur, elle est aussi étudiante à Concordia. Elle nous a accordé cette entrevue.

Molly : Je m’appelle Molly Alexander, je suis étudiante à Concordia en sciences politiques et en affaires communautaires et publiques, et je suis l’une des deux porte-parole de l’Union des Forces Progressistes (UFP).

Concordia français : C’est quoi l’UFP?
Molly : C’est un parti né il y a 6 mois, de l’union de trois partis qui existaient déjà au Québec : le parti communiste du Québec (PCQ), le ralliement pour une alternative progressiste (RAP) et le parti de la démocratie socialiste (PDS, l’ex NPD-Québec). On s’est rendu compte qu’il y avait beaucoup de choses sur lesquelles on était d’accord : on était contre le néo-libéralisme, contre la philosophie dominante qui place comme valeur ultime la domination du marché, pour la justice sociale, pour l’égalité homme/femme, pour la lutte contre la pauvreté… C’est décrit dans notre programme. Face à l’assaut mondial du libéralisme et, spécifiquement au Québec, où les trois grands partis ont tous un discours dont la base idéologique est la même, on a décidé de lutter ensemble.

La base idéologique est la même entre l’ADQ et le PQ?
Molly : À différents degrés, ces partis veulent implanter des politiques néo-libérales. Ils sont pour le libre-échange. Le bilan général du PQ n’est pas très progressiste! Le rêve de Bernard Landry est de faire l’indépendance pour perpétrer le système néo-libéral. Même si il y a des gens dans le PQ qui voudraient qu’il prenne une voie de gauche, ce n’est pas la force dominante.

Le pire scénario aux prochaines élections, c’est quoi?
Molly : L’ADQ, qui couperait des programmes sociaux fondamentaux pour la survie de beaucoup de gens très pauvres.

Y a-t-il eu un élément déclencheur qui a fait l’étincelle pour que les partis de gauche se regroupent?
Molly : La constatation qu’il n’y a pas ici de partis de gauche comme il y en a en Europe : il n’y a pas de tradition de partis d’opposition de gauche qui ont une chance d’aller au pouvoir. Il y a aussi la nouvelle mobilisation de la gauche sociale et politique au Québec : le Sommet des Amériques à Québec, 60 000 personnes en 2001; La Marche des femmes qui a attiré plus de 35 000 personnes en automne 2000. On veut canaliser les luttes qui existent déjà et surtout susciter un débat public.

Votre but n’est pas de prendre le pouvoir nécessairement ?
Molly : Juste de prendre le pouvoir? Non. Le processus est aussi important que l’objectif de former le gouvernement.

Ça serait un échec si vous ne faisiez pas élire de députés aux élections?
Molly : Pas du tout. On est réaliste : on doit bâtir notre organisation en premier lieu. On va se présenter dans le plus de comtés possible, en ciblant ceux où on a des appuis plus forts…

Comme où?
Molly : (Le comté de) Mercier, où Paul Cliche s’était présenté comme candidat indépendant (à des élections complémentaires en 2001), en allant chercher l’appui des partis de gauche. Un résultat de 24 %, ça a encouragé les partis à s’unir.

Qu’est-ce qu’il y a dans la mondialisation et la ZLÉA que vous n’aimez pas?
Molly : Ce sont des ententes qui aident à augmenter les profits des compagnies : ça engendre la pauvreté partout où ces traités-là ont été appliqués. La qualité de vie des gens est affectée. Ici, le revenu moyen a chuté de 29 % depuis l’entrée en vigeur de l’ALÉNA (Accord de libre-échange Nord-Américain) en 1994, et on ne parle pas des effets sur les conditions de travail : précarité de l’emploi, temps partiel…. Je pense qu’au Québec on commence à constater qu’il y a eu beaucoup d’effets nocifs : des fermetures d’usines, qui déménagent dans des places où elles peuvent exploiter plus facilement le monde. La compétition créée par ces traités-là aggrave la situation économique du Québec.

Qu’est-ce que vous offrez en échange du libéralisme?
Molly : Une société où le citoyen a plus de contrôle : la gestion participative. Il y a beaucoup de projets qui existent ou qui ont déjà existé, de projets sociaux-économiques qui fonctionnent. Il y a des restrictions qu’on peut implanter pour restreindre ce capitalisme sauvage qui nous martèle! On a basé tout notre travail sur des études faites par des groupes qui militent dans ces secteurs-là. Pour le prochain congrès, on est en train de compiler l’argumentaire : ce que notre programme veux dire économiquement. On croit que ce sont des choses réalisables. Le Québec est l’État qui taxe le moins les compagnies et les néo-libéraux disent souvent : « vous ne pouvez pas taxer les entreprises, on va perdre des investissements importants ».

Moi je dis qu’on est l’endroit le plus favorable pour qu’une corporation vienne s’installer, et on a quand même des problèmes économiques; c’est n’est donc pas en appauvrissant le peuple québécois pour favoriser l’exploitation d’une corporation que les choses vont s’améliorer. Le Québec a beaucoup de ressources naturelles qu’on laisse exploiter par le secteur privé et dont le peuple ne profite pas : des corporations profitent du bien commun et en font de l’argent privé alors qu’il y a des gens qui n’ont pas accès à l’eau et à des services de santé. Le problème, ce sont les plus démunis. Il faut qu’ils puissent se loger de façon adéquate, sans manquer d’argent pour manger.

À ce sujet-là, la lutte contre la pauvreté, vous proposez quoi?
Molly : Il doit y avoir un revenu minimum pour que les gens vivent adéquatement. Présentement une jeune mère monoparentale qui travaille au salaire minimum ne peut pas vivre de façon adéquate. Il manque de logements sociaux dans les métropoles du Québec : c’est le rôle du gouvernement de financer ça. On veut la redistribution de la richesse. Où on met nos sous? Dans l’armée, en favorisant la grosse entreprise? Il y a des pays où les compagnies sont taxées à 50 % : la Norvège, la Suède. En échange l’éducation et la santé sont complètement gratuites. Et ils ont quand même une économie qui fonctionne, un taux de chômage bas! C’est une question d’allocations de ressources. Ici, le gouvernement fait des prêts au secteur privé, aux grosses compagnies qui ne remboursent pas, font faillite, et ça va sur le dos des citoyens. La Caisse de Dépôt et Placement (un organisme publique) a aidé Québécor à acheter Vidéotron, c’est scandaleux! Toutes
ces choses-là sont à revoir. Le capitalisme tel qu’il est présentement a besoin d’être redessiné.

Quand j’ai vu le programme de l’UFP, j’ai eu l’impression de lire le programme du Parti Québécois des années ‘70. Il y a sûrement une raison pour laquelle le PQ s’est éloigné de ce modèle-là?
Molly : Ce qui a fait la différence avec le PQ, c’est l’absence d’un projet de société de gauche : le débat nationaliste a primé. L’in-dépendance du Québec, d’accord, mais de quelle genre? Un nouveau pays qui favorise une bourgeoisie plus petite, mais qui continue à exploiter le peuple?

Le PQ, selon toi, est un parti qui utilise les masses de gauche pour promouvoir l’indépendance?
Molly : Oui. Au Brésil, la victoire récente du Parti des Travailleurs (PT) de Lula, c’est une victoire qui a été faite avec des alliances de droite, là aussi.

Ça regarde mal pour lui?
Molly : Lula, ça fait 20 ans qu’il tente de se faire élire. Il a dû faire des concessions pour entrer au pouvoir : les Américains et les intérêts financiers ont peur. Mais ce qui est intéressant au PT, c’est que les tendances les plus révolutionnaires sont représentées :
elles peuvent militer, contester. Ça va être intéressant de voir ce qui va arriver. Pour nous, l’important, c’est de créer un mouvement, faire de l’éducation populaire, créer un débat public : ça fait longtemps qu’entre Québécois on ne parle pas vraiment de politiques fondamentales, autrement que de la souveraineté.

Question nationale

L’UFP a une position sur la souveraineté : vous êtes pour.
Molly : On pense qu’on a trouvé une très bonne réponse à la question. Le programme dit : « l’UFP propose l’indépendance nationale en favorisant l’émancipation sociale, l’équité, la justice pour tous et toutes ».

C’est quoi la différence?
Molly : On ne pense pas : « on arrive au pouvoir et on fait l’indépendance ». Quand on va sentir la volonté populaire de la faire, on va la faire avec toute les composantes : le français comme langue nationale, mais aussi la réalité de tous. On veut établir une république démocratique, proportionnelle.

Comment l’UFP peut attirer des anglophones avec ça?
Molly : On prône surtout un projet de société progressiste pour tous. On reconnaît la diversité culturelle du Québec : ce n’est pas un peuple monolithique. Je connais beaucoup de progressistes anglophones. Ils comprennent les circonstances historiques du Québec, un phénomène complètement différent du reste de l’entité canadienne. Je ne te dirai pas qu’ils sont indépendantistes, mais il y a une compréhension de la légitimité de la requête.

Ce n’est pas parce que tu ne fais pas partie d’une certaine identité que tu ne peux pas reconnaître la légitimité des ses revendications. Je ne crois pas pour autant que les francophones « pure-laine » puissent opprimer d’autres membres de la communauté. Il y a des gens encore un peu ethnocentriques dans leur nationalisme mais moi, dans l’UFP, je vois des gens ouverts.

Politique internationale


Si tu avais des prix à distribuer sur la scène internationale, un prix Nobel et un prix citron, tu les donnerais à qui?
Molly : Le Forum Social Mondial à Porto Allegre l’an passé, une conférence sur les alternatives à la mondialisation des marchés qui a réuni 40 000 progressistes de partout dans le monde, c’est un succès incroyable! On sent partout des luttes dites « minoritaires » qui, toutes mises ensemble, sont une opposition incroyable au statu quo. C’est significatif pour la gauche, internationalement. Je suis aussi impressionnée par la lutte des Zapatistes, au Mexique. Ça a eu un effet boule-de-neige : dernièrement il y a eu un projet de construction d’aéroport à Mexico et il y a eu une prise d’otage. Avec tout cet esprit
révolutionnaire, il y a beaucoup d’espoir véhiculé par la lutte qui se passe au Chiapas.

C’est quoi ton opinion sur la lutte armée, le recours à la force?
Molly : Je crois que c’est un sujet qui dépend de l’endroit où ça a lieu. Premièrement, on est un parti pacifiste. L’UFP ne prône pas la prise des fusils et la révolution . La méthode qu’on adopte a beaucoup d’effets sur le système que tu valorises, que tu veux mettre de l’avant : si tu atteinds le pouvoir de façon armée, tu crées une culture armée. Mais je serais mal placée de juger des gens qui se font attaquer par leur État, par les militaires. La violence, c’est plus souvent qu’autrement l’État qui s’en sert. Je suis contre la violence pour faire changer l’idée de quelqu’un, mais je comprends que les gens veuillent défendre leur vie. Il faut être nuancé, mais je comprends que les gens veuillent se défendre et défendre leurs valeurs, leur mode de vie.

Ma stratégie peu subtile est de t’amener à parler du Proche Orient. En arrivant chez toi, je vois dans la fenêtre une affiche « Palestine libre! ».
Il y a une position de l’UFP sur cette question…
Molly : L’UFP est contre l’intervention militaire du gouvernement israélien dans les territoires occupés. Cette intervention ne résoudra jamais la question de la violence au Proche Orient. On croit aussi au droit du peuple palestinien de vouloir constituer leur propre État. On reconnaît aussi le droit des Israéliens d’avoir le leur! Mais si on regarde les enjeux, il y a eu des ententes, il y a eu un territoire désigné, mais on a jamais donné aux Palestiniens les outils pour dév-elopper leur État et des institutions démocratiques. On les a attaqués et on continue à détruire des maisons palestiniennes, des fermes, pour installer des colonies.

C’est la faute des Israéliens?
Molly : Je crois que c’est surtout la faute de la communauté internationale et des Américains : ils ont une responsabilité. Le problème palestinien/israélien a été pour beaucoup causé par l’Occident. Les Amé-ricains financent beaucoup Israël, en matière d’armement entres autres. On ne rend pas les conditions favorables à une entente paisible et saine, une paix véritable.

Mais les Palestiniens n’aident pas un peu leur malheur avec les chefs qu’ils ont présentement?
Molly : Les kamikazes, je trouve ça terrible et je le dénonce. Mais en même temps tu ne peux pas mettre sur le dos de tout un peuple les actes d’individus, d’organismes…. Des gens qui ont vu mourir leur père, leurs frères, des enfants qui se sont fait attaquer par des militaires dans des camps de réfugiés. Ce n’est pas une réponse et ça sert comme prétexte à perpétuer l’occupation militaire israélienne. Ça ne règlera pas le problème du terrorisme. Plus les Israéliens martèlent les Palestiniens, plus il y a d’actes terroristes.

Les Israéliens diront qu’ils sont intervenus parce qu’ il y a avait des actes terroristes.
Molly : C’est l’œuf et la poule! Ça fait des décennies que ça dure et le problème n’est pas résolu. Et il faut faire la différence entre des actes d’individus qui s’organisent en petits groupes pour attaquer un État organisé et une armée! Un gouvernement a plus de pouvoir d’intervention qu’un petit groupe. Et les actes de certains individus ne sont pas justifiés pour condamner la cause en entier. Si un Américain posait une bombe quelque part, est-ce qu’on dirait que tout le pays ne mérite pas la paix?

Et puis Concordia dans tout ça ?

Un débat comme celui du Proche Orient, qui déborde dans un campus universitaire à Montréal, qu’est-ce que tu en penses?
Molly : D’abord je pense que le problème à Concordia est pire à cause de la façon dont l’administration a géré la situation. Elle a des liens serrés avec des groupes qui lui donnent beaucoup d’argent, comme le Canadian Jewish Congress et le B’naï Brith, et elle subit beaucoup
de pressions de ces organisations-là pour taire le débat et contrôler la popularité du côté palestinien. Je suis très triste qu’il y ait eu de la violence le 9 septembre, mais on a vraiment exagéré. Il y a eu quelques individus qui ont fait des choses et je trouve ça « plate ». Mais en même temps j’étais là comme manifestante et je n’ai pas causé de violence, j’étais avec des gens qui n’ont pas causé de violence. On était là toute la journée pour démontrer qu’il y a des gens qui sont contre le discours de Netanyahu. Que ça se soit rendu au point où ça s’est rendu, ça reflète la façon dont l’administration a géré la situation. Je ne crois pas que le fait de limiter les places du débat, de faire des magouilles pour empêcher les gens de discuter de tel ou tel sujet soit une façon de régler le problème. L’administration gagnerait à laisser les gens débattre…

Quitte à se taper dessus?
Molly : Non! Mais avoir des lieux de débats, des forums, des invités… Tu ne peux pas supprimer la dissidence, mais tu peux contrôler la violence.

Quelle est ton opinion sur notre association étudiante? Est-ce qu’elle est représentative de la communauté étudiante de Concordia?
Molly : Ils ont été élus : ils sont légitimes.
Je les appuie dans ce sens-là. Ils prennent des positions politiques sur des enjeux qui affectent les étudiants : le libre-échange et l’accès à l’éducation. Ils ont appuyé le droit de manifester du SPHR (Solidarity for Palestinian Human Rights). Ils ont une ligne politique comme d’autres groupes ont une ligne politique. On parle d’étudiants qui ne sont pas payés, qui essaient de mener leur vie et qui doivent passer leur temps à se défendre et à lutter contre l’administration, contre Hillel, et qui n’ont pas le temps de compléter leur mandat en tant que représentants étudiants. Peut-être que toutes les décisions qu’ils ont prises ne sont pas les meilleures, mais c’est un groupe de jeunes étudiants qui apprend à faire de la politique et à défendre des intérêts, et c’est clair que l’administration fait tout pour rendre la vie difficile à ce conseil-là.

Un mot sur Hillel (regroupement juif d’étudiant de Concordia) ?
Molly : Je souhaiterais qu’Hillel fasse preuve de plus d’ouverture d’esprit au sujet de la question palestinienne. Je suis d’accord avec eux pour condamner les actes terroristes en Israël par des Palestiniens. Mais la condition du peuple palestinien, ils devraient aller la voir de plus près. Il y a beaucoup de désinformation. Je suis toujours épatée de voir à quel point les membres de Hillel peuvent être limités dans leur perception : ils refusent de considérer la vision des gens qui s’opposent à eux. Beaucoup des membres de Hillel ne sont influencés que par un seul côté de l’information.

Merci.

« En un mot », l’opinion de Molly sur :
Libéralisme : Destruction
Parti Québécois : Vieux modèle.
ADQ : La droite, au boutte! La droite extrême.
Mario Dumont : Opportuniste.
Jean Chrétien :
Paul Martin : La droite extrême, libéralisme à 100%.
UFP : L’avenir!! Une vrai alternative politique!!
George W. Bush : Terroriste international
Ariel Sharon : Un homme qui perpétue la violence et l’oppression.
Dr. Lowy, recteur de Concordia : Pas réaliste.
Sabine Friesenger, présidente du CSU : Une présidente en croissance et en développement.
Concordia : Une Université qui devrait continuer à être un centre de débat politique à Montréal.
Le Concordia Français : Une initiative qu’on attendait depuis longtemps!

Pour plus d’information sur l’Union des Forces Progressistes, vous êtes invités a visiter leur site au http://www.ufp.qc.ca .