Le Dr. Lowy ouvre grand les bras aux francophones de Concordia

Partie 1 : Analysez-moi ça!
Concordia français : Monsieur Lowy, vous avez eu plus que votre part d’exposition médiatique dans les derniers temps…
Dr. Lowy : Malheureusement!
Ça ne fais pas votre affaire, ça?
Dr. Lowy : Non, car les médias ont tendance à exagérer les problèmes.
Pourtant on vous connaît peu. Pouvez-vous me dire qui vous êtes?
Dr. Lowy : J’ai étudié a Mc Gill, en médecine. J’ai pratiqué comme omnipraticien mais ce qui m’intéresse, c’est les gens. Alors j’ai décidé de devenir psychiatre. J’ai exercé à l’hôpital Royal-Victoria pendant 5 ans et puis on m’a offert un poste a l’université de Toronto. J’y ai enseigné la psychiatrie puis dirrigé le département. J’ai été PDG du principal hôpital psychiatrique de la ville. J’ai fondé le centre pour la bioéthique. J’ai enfin été doyen de la faculté de médecine. J’ai passé 23 ans a l’université de Toronto et puis on m’a offert de devenir recteur de Concordia, que je ne connaissais pas… D’abord j’ai dis : ce n’est pas possible! Il n’y a même pas de département de médecine a Concordia. Mais mes amis ont insisté : ils m’ont dit de venir voir. Alors je suis venu visiter et j’ai aimé ce que j’ai vu. J’aime Concordia.
Pourquoi?
Dr. Lowy : Vous savez, Concordia c’est l’université du peuple! C’est une université vivante, et la diversité m’y attire. Toronto et Mc Gill sont élitistes. Ça se comprend bien mais je cherchais quelque chose de différent.
Partie 2 : La balade du professeur Fabrikant
Quelle était la situation quand vous êtes devenu recteur ici?
Dr. Lowy : Il y avait un problème majeur : en 1992 le professeur Fabrikant a tué ici 4 personnes. L’Université a fait 3 enquêtes, qui chacune critiquaient sévèrement l’administration. Mon prédécesseur a démissionné, comme beaucoup de gens dans l’administration. Si l’université avait été un patient, le diagnostique aurait été qu’elle était fortement déprimée. Peux-être un psychiatre pouvait-il apporter ici quelque chose de positif?
Vous vous êtes fixé des objectifs en arrivant ici?
Dr. Lowy : C’était une question de morale : suite aux enquêtes, l’université était déprimée. Mon premier objectif était de restaurer une sorte d’amour propre ici. Je crois qu’on a réussi : pas moi, on a réussi.
Il était question aussi des programmes académiques. Nous avons entrepris à mon arrivée une évaluation de tous les programmes. Nous en avons modifié 40%, soit en les éliminant, soit en les modifiant ou en les jumelant à d’autres. En gros nous avons constaté qu’auparavant il y avait une spécialisation prématurée dans chacun des programmes. Je crois qu’il est important que les ingénieurs que nous formons, par exemple, aient d’abord un aperçu général de la vie… qu’ils voient la littérature par exemple. Je voulais que les étudiants du premier cycle aient d’abord un aperçu de la culture humaine. A la suite de ces changements nous étions vraiment prêts à offrir une « real education for a real world».
C’est votre modèle de « l’université idéale »?
Dr. Lowy : Je ne crois pas qu’il y ait une université idéale. Chaque grand pays a besoin d’un éventail d’universités différentes: d’universités spécialisées comme les HEC, Polytechnique; d’universités spécialisées en recherche, comme Toronto. Et on a besoin d’universités comme Concordia qui donne la chance aux gens d’étudier même si ils ont eu auparavant des obstacles académiques, linguistiques…
Une espèce d’université de « deuxième chance »?
Dr. Lowy : Oui! Concordia est bi-modale : on offre des programmes de seconde-chance qui offrent la possibilité à certains de se prouver, mais aussi des programmes de niveaux exceptionnels, reconnus internationalement : le Liberal Arts College, la psychologie, la communication, le cinéma. Des programmes.
Partie 3 : Un monde pourri
Pendant vos 7 ans comme recteur vous semblez avoir toujours été en guérilla contre le CSU. Pourquoi?
Dr. Lowy : Je suis très chanceux!… Quand je suis arrivé, l’université avait une dette accumulée de 38M$. J’ai imposé comme condition d’avoir les mains libres pour équilibrer le budget. J’ai obtenu une coopération admirable des syndicats, du conseil d’administration et des professeurs. Nous sommes parvenus à éliminer le déficit. Nous pouvons maintenant nous permettre d’émettre des obligations et de financer la construction de nouveaux pavillons.
C’est la lutte contre le déficit qui est la cause de vos mauvaises relations avec le CSU?
Dr.Lowy : Pour vous dire la vérité, ça c’est un problème. C’est un problème interne. Les anciens ( cf – qui versent de l’argent à la Fondation de l’université) ne comprennent pas. Les médias exagèrent la situation. Mon travail ce mois-ci c’est d’expliquer la situation : nous avons ici près de 30,000 étudiants qui continuent à étudier, qui mènent une vie normale! Les médias donnent l’impression qu’il y a toujours de la turbulence ici, qu’il y a un racisme contre les Arabes, contre les Juifs…
Mais le CSU… pourquoi ces confrontations entre eux et vous?
Dr. Lowy : Il faut leur demander à eux! J’ai tenté d’entrer en contact. Presque tout le monde au CSU croit que moi et les autres administrateurs sommes des marionnettes des grandes sociétés, des Molsons. Ils croient vraiment que notre but est de forcer les gens à s’intégrer dans une société qui est selon eux pourrie.
Et vous leur répondez quoi?
Dr. Lowy : Mais que ce n’est pas vrai! Je veux qu’un étudiant de Concordia décide par lui-même ce qu’il veut faire dans la vie. On offre aux gens de s’épanouir et qu’ils fassent ensuite ce qu’ils veulent dans la société!
Vous avez évoqué les accusations de racismes. Certains citent l’exemple de Concordia pour illustrer une recrudescence de l’antisémitisme. Vous êtes en accord?
Dr. Lowy : Ce n’est pas juste! C’est ridicule! Dire que Montréal est une ville intolérante c’est absolument faux! Et c’est ridicule qu’on m’accuse moi d’être contre les Arabes, ou contre les Juifs…
Parce que?
Dr. Lowy : Parce que ce n’est pas vrai! (…) Ce n’est pas juste d’utiliser les événements qui ont eu lieu à Concordia pour accuser Montréal d’antisémitisme. On trouve à Concordia des gens de toutes les nations du monde!
Une université, c’est un lieu de débat?
Dr. Lowy : oui
Vous encouragez ça?
Dr. Lowy : oui
Ceux qui vous accusent d’être autoritaire, conservateur, pas réaliste, qu’est-ce que vous leur répondez?
Dr. Lowy : Toute ma vie j’ai été pour la liberté d’expression et les débats entre les gens aux opinions opposées. Mais a l’université il faut discuter d’une façon respectueuse, civilisée, même si on n’est pas d’accord! C’est toujours une question d’équilibre entre la liberté ab-solue et la sécurité, l’ordre… il faut avoir les deux.
Vous avez été mis dans une situation inconfortable...
Dr. Lowy : Oui. Après le 9 septembre et notre petite émeute ici on a cru qu’il nous fallait une période de calme et c’est pourquoi nous avons imposé un moratoire sur les événements publics. Mais je suis pour le débat libre!
Vous referiez les choses de la même façon?
Dr. Lowy : On apprend de nos erreurs! Il y a rien dans ma vie que je referais exactement pareil!
Partie 4 : Diagnostique : nous sommes normaux.
C’est le premier anniversaire du Concordia français, c’est le premier journal francophone à Concordia. Mc Gill a le sien depuis 25 ans. Pourquoi la communauté francophone de Concordia a prit tant de temps à s’exprimer selon vous?
Dr. Lowy : Je n’ai aucune réponse à vous donner. Peut-être que la communauté francophone de Concordia est maintenant suffisamment nombreuse, et des gens ont pris l’initiative, enfin, d’établir un journal francophone.
La clientèle francophone à beaucoup augmenté...
Dr. Lowy : Absolument, et c’est normal dans une ville francophone comme Montréal qu’une université ait un journal francophone.
C’est la période de recrutement des universités présentement : la publicité est partout. Concordia s’affiche beaucoup pour recruter la clientèle francophone…
Dr. Lowy : Nous voulons attirer la clientèle francophone, car nous sommes dans un milieu francophone. Je crois que les anglophones qui sont restés au Québec ont fait le choix de vivre dans une société francophone, bilingue dans les faits. C’est un choix! Les anglophones d’ici ont le choix d’aller ailleurs mais ils ont décidé de se mêler à l’identité francophone.
La campagne publicitaire de Concordia, c’est l’expression de cette philosophie?
Dr. Lowy : Oui. Il y a maintenant entre 15 et 20% de francophones ici. Et je vois avec intérêt que l’Université de Montréal, les HEC et même l’UQÀM commencent à enseigner en anglais. Et c’est normal! Et c’est aussi normal que nous enseignions en français. Tous mes collègues dans l’administration parlent français.
Un message pour les francophones?
Dr. Lowy : Bienvenue!