Friday, May 26, 2006

Le soleil se lève aussi le soir : des suggestions pour vos soirées de fin d'hiver

Urbain Desbois n'en finit plus d'être découvert

Dans la chanson québécoise, on note deux grandes tendances. D'abord, il y a la chanson mielleuse, certifiée exportable. Puis il y a la chanson populaire (comme dans « peuple ») : articulée autour d'un texte qui parle de not' misère, de not' vécu et de « cheu nous ». Elle est généralement accompagnée d'une guitare et interprétée par des émules de Félix Leclerc.

Urbain Desbois fait clairement partie de cette deuxième partie. Verbomoteur impénitent, il a commis 3 CD. Le premier, Ma maison travaille plus que moi (2000), est le fruit de 17 ans d'efforts à traîner sa rengaine et sa guitare dans les bars. Il a mangé beaucoup de spaghettis pas de sauce, il a habité dans des appartements pas chauffés, il n'a pas une cenne. Et il nous en parle. C'est ainsi que cet homme qui en a vécu d'autres a été « découvert » par La Tribu et que depuis, on s'efforce de le mettre dans des salles plutôt que sur un stage de bars.

« Quand je chantais dans les bars, je jouais mes chansons tristes et tout le monde riait », dit le chanteur. C'est que malgré des thèmes doux-amers, limites tragiques (« des fois, mais pas toujours, j'ai un peu envie d'aller m'tuer/ Des fois, mais pas toujours, ça m'arrive même d'essayer »), Urbain livre ses tripes sur un ton de comptines badines («Y'a un essuie-glace qui gratte dans le pare-brise/ On dirait qu'il veut rentrer »), avec des jeux de mots simples et des images suaves. Toute résistance est futile. Musicalement, c'est pas un débutant, comme en témoignent ses courageuses « impros »....

Urbain, c'est un poète charismatique qui passe la moitié d'un spectacle à raconter sa vie, si bien qu'à la fin de la soirée, son public part avec l'impression d'avoir partagé une bière dans un bar en compagnie d'un ami très divertissant. On apprend par exemple que sa première jobine était laitier (« les madames m'ouvraient la porte en robes de chambre, ça sentait le café et les toasts en dedans... »), qu'il a été barré du Café Chrétien et que Gregory Charles lui a volé son concept de show. Il compte bien se venger aux prochaines retrouvailles des Petits Chanteurs du Mont-Royal.

Comme vous aimez beaucoup les comparaisons, Urbain Desbois, c'est une part de Richard Desjardins, une part de John Lennon (moins l'air Jésus), un peu de Lynda Lemay (ne criez pas!) et beaucoup d'Urbain tout court. Il a une maison en campagne et un chalet en ville, son dernier album s'appelle Entomologies (2003), où il fait un détour réussi du côté de la chanson d'amour et il jouera prochainement à la Petite Gaule (2525, rue Centre). (http://www.urbaindesbois.ca)

Béluga: toujours l'amour!

Coup de foudre de l'automne, le duo Béluga (Clermont Jolicoeur à la voix, Simon Landry à tout le reste) est un de ces groupes qui sortent de l'eau alors que les planètes sont enlignées juste pour... Chaque p'tit gars victime de cette terrible maladie qu'est la peine d'amour se reconnaît dans ce rock-groove au coeur brisé bourré d'émotions qui sortent des tripes comme autant de déclarations bien vibrées mais venues trop tard.

Ça suinte et ça dégouline, mais il y a des moments pour dire ce qu'on a sur le bord de la bouche... Histoire de se la sortir du corps, cette flamme qui ne brûle plus qu'à sens unique. Et puis si on devient la sensation musicale de la saison pendant qu'on rêve de « l'île des filles douces et gentilles », pourquoi pas?

« Avant ma mort/ j'aimerais savoir/ ce que son cœur / a de chaleur... Elle m'aime, m'a-t-elle dit elle-même/ elle-même, m'a-t-elle dit qu'elle m'aime? » (Shack de chats)

C'est né dans le Mile-End, ça jazz, ça hip, ça hop et notre oncle-rockeur autrefois connu sous le nom de Jean Leloup n'y serait pas pour rien dans toute cette histoire. Béluga est en spectacle les 9, 16 et 24 mars, et le 2 avril, au cabaret Music-Hall. (http://www.belugarock.com)

LNI : 27e saisons, le lock-out est évité

Lundi 14 février au Medley, c'est avec soulagement qu'un public gonflé d'amour a vu les joueurs de la Ligue Nationale d'Improvisation (LNI) sortir du vestiaire à l'heure convenue : le lock-out est évité. Il semblerait qu'une entente de dernière minute sur le plancher salarial ait été atteinte, il y aura donc compétition pour la Coupe Charade en 2005. Ouf!

C'est déjà la 27e saison de la mère de toutes les ligues d'impros qui s'amorçait, en présence d'une importante délégation de gens importants ainsi que d' « acteurs » de « l'émission » Casting (deux des leurs étaient de l'alignement partant). On notait par contre l'absence remarquable du magnat du rire Gilbert Rozon, le Gary Bettman de la LNI. Robert Gravel, fondateur de la Ligue et décédé notoire, continuait pour sa part à être physiquement absent tout en demeurant l'immortel dieu de l'Impro.

Les Bleus (meilleurs au classement 2004) ont volé le match aux Rouges (gagnants de la Coupe Charade 2004) par un pointage de 7-6, lors de ce lundi pas comme les autres. Edith Cochrane, toujours aussi efficacement blonde au-dessus comme en dessous de son chandail rouge, a décroché la troisième étoile de la partie. JF Nadeau a remporté l'inaccessible première étoile, même s'il est moins blonde.

La recette de la LNI est indémodable et les croyants en redemandent. « Tout y était. Mélodrame du travailleur en construction, quête de la jeune Amérindienne, révélation lévitationnelle du maître chinois et j'en passe... Enfin un beau et foisonnant témoignage de la polyvalence de ces artistes du verbe improvisé », a déclaré Amélie H., une buveuse de Brador (la « plus-que-bière ») satisfaite, perchée sur la chaise à côté de la mienne du côté de la passerelle des journalistes.

Avis à un public qui se cherche toujours un peu, c'est chaque lundi que le calendrier nous emmène, entre le 14 février et le 31 mai, les matchs de la LNI disputés toujours dans l'ancien temple de la décadence bavaroise qu'est le Medley (514-842-6557). Le match des étoiles aura lieu le 24 mai et les séries éliminatoires seront disputées les 30 et 31 suivants. (http://www.lni.ca)

Les cabarets éclatés des Zapartistes

Ils sont 7, ils sont beaux, ils sont drôles et ils frappent sur tout ce que la colonie de l'humour ne dénonce plus depuis RBO... Les Zapartistes sont à l'humour québécois ce que Michel Chartrand est à Wal-Mart : l'antithèse corrosive. Avec eux, pas de one-liners sur les belles-mères, sur le bol de toilette ou sur la nourriture d'avion. Ici, on rit de ce qui n'est pas drôle : la consommation, la mondialisation, l'exploitation et Jean Charest.

On parle d'eux comme le retour de l'humour politique au Québec. On dit qu'ils prêchent à un public converti d'altermondialistes bien-pensant ainsi qu'à Télé-Québec (où ils animent la mi-période de l'émission musclée de Marie-France Bazzo). On dit même qu'ils se permettent des escapades incognito du côté de la rue Bernard à Outremont entre deux tirades contre le Capital. Reste qu'on s'amuse énormément avec leurs bulletins de nouvelles caustiques (« Les médecins se sont prononcés en faveur du CHUM à Outremont : ils apprécient beaucoup l'idée de pouvoir rentrer chez eux à pied pour dîner »), leurs monologues acidulés (par exemple, un texte hallucinant sur le pouvoir de manipulation des idées par les Desmarais et la corporation Power qui commence par « Ceci est un cube de plutonium. Contrairement aux cigarettes, il n'est pas en vente dans les dépanneurs. Pas encore. ») et leurs chansons revisitées (« une chance qu'on s'a », un duo romantique avec W. et Ossama, vaut particulièrement son pesant de dérision).

Les Zapartistes tiendront salon dans les semaines à venir dans un repère de gauchistes près de chez vous... Tenez-vous au courant en allant visiter leur site (http://www.leszapartistes.com), et ne manquez pas d'y lire leur manifeste.