Friday, May 26, 2006

Un amour tragique devant le tribunal populaire



Soir de théâtre
Une adoration: un amour tragique devant le tribunal populaire



Le 21 avril dernier était soir de première au Théâtre du nouveau-monde. Tout le beau monde culturel y était, les caméras crépitaient dans le hall débordant. Pas facile de faire son chemin jusqu'à son siège. On y présentait l'adaptation au théâtre du récent roman de l'auteur canadienne Nancy Huston, "Une adoration".


L'histoire est celle d'une mère de famille, élevant seule ses deux ados dans un village de province. Sur la place du village, elle subit son procès. Son amant, un artiste célèbre, avec qui elle a eu une relation inespéré et inattendue, est mort assassiné. Du coup, le public devient le juge silencieux devant qui tout les acteurs du drame déverseront leur ragots et leurs frustrations.

Elke, l'amoureuse, est pleine de naïveté et on a peine a croire que ses deux enfant, Franck et Fiona, sont les siens tant ils sont remplis de colère et de cynisme. L'aliénation est totale entre Elke et Franck, dont la violence est latente. Fiona, subjuguée par ce grand-frère à tête forte, singe son comportement et oppose une résistance cruelle à sa mère.

C'est dans ce contexte que débarque Cosmo, un fils du village devenu célèbre comédien dont le regard doux-amer sur le monde qui l'entoure enchante les foules dans tout le pays. Sa capacité d'émerveillement et son comportement excentrique l'aliène pourtant lui aussi de ses parents, dont la mère acariâtre est le plus flagrant exemple d'un conservatisme sévère de clocher. Son père, autrefois un aspirant artiste, retient difficilement son ressentiment face à ce fils qui a réussi dans une vie qu'il aurait aimé avoir.

L'histoire d'amour impromptue - brève, sensuelle et intense - entre Elke et Cosmo est le détonateur qui vient faire exploser le couvercle sous lequel couve tout les malaises: les rancoeurs de longues dates entre couples, familles et voisins. La paisible vie de village en prends pour son rhume. Le bonheur radieux de Elke devient insupportable d'abord pour ses adolescents, qui méprennent le droit à l'amour de leur mère pour une insulte de plus dans leur courte existence. La mère de Cosmo s'insurge contre cette histoire supposément amorale, surtout effrayée par le potentiel qu'elle a de réveiller de vieux secrets de famille. Cosmo lui-même, par qui le scandale arrive, devient effrayé par ce trop-plein de bien-être qu'il a provoqué.

C'est ainsi que Cosmo quitte soudainement Elke. Pour quelqu'un d'autre: un amant qui ne s'exprime que par son violon. Et Cosmo meurt poignardé... Qui a tué? L'accusée, bien évidemment, c'est Elke. Voilà ce que l'on gagne à être amoureux.

C'est un très beau texte, une polyphonie qui offre un éventail d'émotions humaines toutes plus vraies et invariablement en opposition les unes aux autres, que propose ici Nancy Huston. Le nombre d'événements et de motivations organiquement imbriqués exprime bien la complexité des rapports humains qu'on cherche toujours a simplifié mais qui résistent à la caricature. Ainsi, un village paisible et reculé regoorge d'intérêts conflictuels. Ainsi une mère qui élève seule et courageusement ses deux enfants est-elle détesté et le père déserteur demeure une figure mythique et adorée. Ainsi une mère acariate n'est pas qu'une réactionnaire de village.

Pêle-mèle, les messages trop nombreux deviennent cependant un peu dilué et un brin trop complexe pour une pièce à avaler en deux heures tout rond. On y retrouve l'opposition grande-ville/village, étrangers/locaux, l'aliénation des adolescent, l'amour-passion, l'amour impossible, l'amour de l'art, l'amour de l'amour, l'amour homosexuel, le crime haineux, le racisme, le passé lourd de secrets... Et on interpèle le public pour en faire l'actif-passif juge de ce tribunal populaire. Pas simple, le métier de spectateur.

C'est une pièce post-moderne: le temps et l'espace est élastique, le tribunal est présent et absent, et les vérités sont encore plus nombreuses qu'il y a d'acteurs à la barre. Le texte est fluide et remplie de perles, le jeux des acteurs était intense - un salut particulier aux interprète de Franck et Fiona - , et la musique comme le décor sont inventifs. Malheureusement, la pièce n'est plus à l'affiche, déjà. Aussi vous faudra-t-il vous contenter du livre, ce qui n'est pas plus mal, bien au contraire. Le message lourd mais pertinent gagne à être absorbé à petite dose.

Une adoration, mise en scène par Lorraine Pintal d'après un roman de Nancy Huston, mettait notamment en vedette Macha Limonchik (Elke), Emmanuel Bilodeau (Cosmo), Marie Tifo (la narratrice/auteur), Marie-Ève Pelletier et Benoît McGinnis (Fiona et Franck), en plus du public (le juge). On y goûtait aussi le talent des acteurs Pierre Collin, Louise Turcot, Danny Michaud et Charles-Étienne Marchand. Le roman de Nancy Huston est publié chez Acte-sud et date de 2004.

Montréal, cette islamophobe...


Montréal, ville accueillante, tolérante, multiculturelle... Est-ce un mythe? Les mythes, c'est connu, ont la peau dure. Les Arabes et les musulmans de Montréal peuvent en témoigner.


« Commençons par un quiz : nommez-moi un seul musulman qui occupe une fonction d'élu public au Québec ». C'est par ce petit jeu que s'est ouvert, le jeudi 23 mars dernier, un café-citoyen sur le sujet de l'islamophobie dans la ville aux 100 clochers. « Jacques Saada? », tente un participant. Non : bien que d'origine tunisienne, le député fédéral libéral est de confession juive. « Amir Khadir? ». Proche, mais pas de chicha : le sympathique médecin d'origine iranienne, porte-parole de l'UFP, est toujours « dans la rue ». La démonstration sert en fait à illustrer la sous représentation des musulmans dans la société civile québécoise.

L'événement avait lieu au Café Sarajevo, sympathique caverne de la rue Clark. Une trentaine de participants ont répondu à l'appel du Centre d'écologie urbaine (www.ecologieurbaine.net) et ont discuté pendant plus de deux heures – il en aurait fallu plus – de la question de la fracture réelle ou supposée entre les arabo-musulmans et la société québécoise. Éric Abitbol, de l'Institut de développement communautaire de Concordia, animait la soirée.

De l'émeute de septembre 2002 à l'Université Concordia jusqu'aux débats sur les tribunaux islamiques en Ontario, la question arabe est devenu un sujet « hot » en ville. La controverse n'est pas toujours facile à porter, cependant, pour les membres de « la communauté » arabo-musulmane. Si un fort courant de sympathie à la cause anti-guerre s'est greffée aux atomes crochus préexistants entre la gauche québécoise et la cause palestinienne, dans la vie de tous les jours, les préjugés sur les mœurs et les valeurs des musulmans sont toujours bien-portants. Benoît Dutrizac, le sympathique animateur des Francs-tireurs à Radio-Québec, tout polémiste qu'il soit, en a fourni un éclatant exemple quand il a déclaré dernièrement que l'Islam était « une religion stupide ». À peine plus subtile, la vice première ministre du Québec, Monique Gagnon-Tremblay, avait déclaré quelques jours avant lui que le Québec devait restreindre l'accès des Arabes « pro-sharia » à l'immigration. Ça commence à faire beaucoup de fumée au royaume de la tolérance. Y a-t-il un feu qui couve? Montréal est-elle islamophobe?

Imène Derouiche, première panéliste, est une ex-prisonnière d'opinion tunisienne qui réside maintenant en France. Pour sa présentation d'introduction, elle a tenu à rappeler la diversité du monde arabe. Trois ans et demi après les attentats du 11 septembre, l'amalgame est toujours trop souvent fait entre Arabe, musulman et fanatique. « Nous ne sommes pas tous des Ben Laden, un monstre. Pour ma part, je suis athée », dit-elle. Pourtant, à Paris, le matin du 11 septembre, elle se rappelle combien les regards qui se portaient sur elle étaient lourds de jugement.

Pour elle, c'est l'ignorance qui est un facteur clef dans toute cette histoire. Le public occidental ne sait tout simplement pas faire la différence entre un Arabe et un extrémiste-terroriste. Et les médias contribuent à perpétuer cette ignorance. Par exemple, dans le débat sur un tribunal islamique en Ontario, la question de l'importance de préserver la laïcité – le véritable enjeux – n'a pas duré très longtemps. Très vite, le jugement de valeurs sur l'Islam est devenu le centre de l'argumentation. Pour bien du monde, derrière la question des tribunaux islamiques se cache une vaste conspiration de conquête islamiste. Il est impératif, pour Mme Derouiche, de recentrer le débat.

« Dans mon pays, par exemple, il y a des démocrates, des athées, des musulmans modérés, des islamistes. Les islamistes sont mes opposants politiques. Pourtant, jamais il ne me viendrait à l'esprit de leur enlever le droit de s'exprimer et de dénigrer leurs valeurs. Il n'y a pas UN monde arabe. Comme il n'existe pas UN monde occidental, catholique. Et il est temps que les Occidentaux cessent de croire qu'Islam et démocratie sont irréconciliable : l'exemple de la Turquie en ce sens est patent ».

Elle croit d'ailleurs qu'il est politiquement payant pour les élus occidentaux de miser sur l'islamophobie, utile pour détourner l'attention. « En France, le système d'éducation craquait de partout. La question du foulard islamique est tombée à point. Il n'était soudain plus question de sauver l'Éducation Nationale : on a habilement détourné l'attention sur la laïcité. »

Ahmed Abdiraman, chargé des projets au Moyen-Orient chez Alternatives, abonde dans le même sens. Quand la vice première ministre du Québec vient faire une déclaration incendiaire, il y voit d'abord une stratégie politique du gouvernement Charest pour détourner l'attention des autres problèmes de son administration. Dans ce cas-ci, c'est raté : on n’a pas cessé de parler de grèves étudiantes et de CHUM pour autant. Mais la tentative en dit long sur le peu d'intérêt de trouver des solutions durables au mieux-vivre ensemble.

Si pour lui, Montréal est généralement une ville tolérante, ce qui retient principalement l'attention de ce Djiboutien d'origine, c'est l'apparence de deux poids, deux mesures dans le système judiciaire quand il s'agit de juger des Arabes, notamment depuis le 11 septembre 2001. De contrôles au faciès (même Amir Kadhir en a été victime) jusqu'à l'odieux procédé des certificats de sécurité (le cas d'Adil Charkaoui, détenu près de 2 ans sans procès. Quatre autres Canadiens d'origine arabe sont dans la même situation), en passant par la collaboration canadienne avec les Américains qui mène à l'enlèvement et à la torture de citoyens canadiens à l'étranger (cas Maher Arar), le climat n'est pas bon pour qui est arabo-musulman ces jours-ci. La liste des abus est longue.

De plus, comme l'illustre le petit quiz sur les « role-models » arabo-musulmans au Québec, l'arabe moyen semble avoir de la difficulté à se tailler sa place dans la société québécoise. Personne ne lui tire la langue, mais peu l'engagent : le taux de chômage est rampant. Ces questions suggèrent peut-être que les difficultés d'intégration sont en partie structurelles. Pour ce qui est de la question de la sharia, il rappelle que ce sont d'abord des groupes d'Arabo-musulmans qui ont été les premiers et les plus sévères critiques de l'établissement d'un tel tribunal au Canada, notamment des groupes de femmes. Pourtant, les médias ont été imperméables à relayer cette diversité dans la communauté. « J'ai proposé 10 noms de femmes musulmanes à Radio-Québec quand ils m'ont appelé pour faire un débat sur la question. Ils n'en ont pas appelé une seule », nous confit Ahmed.

La parole est passée au public et certains ont rapidement fait savoir que la réaction épidermique concernant les tribunaux islamiques avait probablement plus à voir avec le profond anti-cléricalisme québécois plutôt qu'avec l'islamophobie. Un professeur, qui a travaillé quelques temps à la polyvalente Émile-Legault, à Ville Saint-Laurent, où 50 % de la population étudiante est musulmane, a cependant rappelé que, malgré ses nombreux voyages et son ouverture d'esprit, il est parfois inquiet et se pose beaucoup de questions sur l'Islam et sur l'intégration des minorités. Pour lui, la multiculturalité de Montréal est un mythe et les communautés minoritaires ont souvent bien peu de contact avec la culture majoritaire.

Sabine Friesinger, présidente du CSU en 2002-2003, était présente à la soirée. Elle a rappelé le climat à Concordia pendant son mandat : les signaux d'alerte à la discrimination contre les Arabo-musulmans s'y multipliaient dangereusement. « Par exemple, Concordia avait à son emploi un pasteur pour accueillir les protestants, un prêtre pour accueillir les catholiques. Il y avait même un moine bouddhiste, pour une communauté de peut-être 20 bouddhistes. Mais en 2002, aucune personne pour accueillir les musulmans. On nous rapportait au CSU que les étudiants arabes recevaient des notes inférieures pour des travaux de qualité équivalente, et des sanctions plus importantes dans des cas de plagiat. Nous avons demandé une enquête sur la question au recteur (Frederick Lowy), mais il refusé au prétexte qu'une telle enquête ferait du tort à la réputation de Concordia ». Face au refus, le CSU a tenu sa propre enquête sur la discrimination et le racisme.

Depuis l'émeute de septembre 2002 et toute la controverse qui a suivi, Concordia a trouvé le moyen de combler certaines lacunes par égard à sa large minorité musulmane, par exemple en lui réservant des locaux pour les prières et en facilitant la tenue d'activités pendant le ramadan. De plus, depuis septembre 2004, Concordia offre une mineure en langue et culture arabe. Mais faut-il toujours qu'il y ait un scandale et des vitrines brisées pour faire bouger les choses?

Une étudiante de l'UQAM d'origine algérienne a expliqué que, pour sa part, elle n'avait jamais été embêtée par personne, même si elle était visiblement de « type arabe ». Quand elle mentionne son origine, on n'en fait pas grand cas et la vie continue : d'avoir des collègues algériens ne choque personne. Cependant, après quelques temps, certains finiront par lui admettre que... « Toi, t'es bien correcte. Mais les musulmans, je les aimes pas ». Et c'est alors que les préjugés sur les Arabes déboulent. C'est l'expression d'une ignorance plus que du racisme, pense-t-elle. Ou peut-être même une façon maladroite d'engager le dialogue et de poser des questions, pense une autre participante.

Un monsieur dans la jeune cinquantaine nous a fait part de sa petite histoire : Juif par sa mère et protestant par son père, cet européen d'origine à passé sa jeunesse tiraillé entre le temple et la synagogue. À l'adolescence, il en a marre et se convertit au catholicisme. Sa mère lui prodigue un conseil : « Ne dit jamais que tu est Juif! ». Las de cette atmosphère de paranoïa identitaire, il s’en va pour l'Amérique et atterrit à Montréal... « C'est ici que j'ai trouvé la paix et la tolérance ».

Mais le peu de tension sociale à Montréal entre les minorités et la majorité, en comparaison avec le climat en France par exemple, n'est qu'affaire de conjonctures, croit un des participants. En France, avec la question du passé colonial et les attentats dans les années 1980 et 1990, les sentiments sont à fleur de peau. À circonstances égales, personne ne peut dire si le Québec serait aussi « tolérant ».

Le défaut de telles soirées est qu'elles réunissent des gens convertis qui débattent entre eux. C'est très utile pour se conforter dans ses opinions et aller y parfaire son argumentaire. Il arrive même qu'on y entende de nouvelles idées qui nourrissent la réflexion. Aussi, peut-être que par la magie de la dissémination, ce genre d'événements est un outil de transformation sociale : chaque participant retourne dans son milieu et partage ses réflexions. À court terme en tout cas, il est difficile d'en voir les effets.

Le 23 mars dernier, nous n'avons pu aller au fond du sujet, car il est vaste, le temps est limité et les opinions sont encore plus nombreuses qu'il n’y a de gens réunis. J'ai cependant compris plusieurs choses. Du côté de la société québécoise – moi inclus – l'ignorance est encore profonde en ce qui concerne le monde arabe et musulman. Qui dit ignorance dit préjugés, et qui essuie des préjugés finit par être pas mal frustré : à la longue, ça fait chier de se faire répéter qu'on est un égorgeur d'impies. L'âge de l'ignorance est loin d'être fini.

Du côté de la « communauté arabo-musulmane » cependant, il faut comprendre que beaucoup des solutions sont entre leurs mains et qu'il ne tient qu’à eux de sortir et de prendre leur place pour expliquer ce qu'ils sont – dans toute leur diversité – au public. La victimisation est trop souvent tout ce qu'on entend en réponse au discours d'intolérance, et si il faut dénoncer les abus il faut aussi passer à l'action et éduquer pour vaincre le mur de l'ignorance.

Depuis le 11 septembre 2001, le mot Islam ne veut plus dire la même chose pour bien des gens. Il est normal selon moi qu’ils discutent et émettent leurs opinions. Je crois aussi qu'il est toujours dur pour une communauté, comme c'est le cas pour les Arabo-musulmans, d'entendre débattre de sa propre culture par des gens qui y sont « extérieurs ». Par exemple, comme Québécois, il est parfois très insultant d'entendre les « Canadians » nous juger et tourner le doigt dans nos défauts. Aussi, on a ici longtemps blâmé les « anglâs », ou même l'Église pour nos malheurs. Collectivement, on a mis bien du temps à trouver le moyen de parler de nous-même de façon positive. Je crois qu'il est temps que les Arabo-musulmans d'ici fassent la même chose : qu'ils cessent de pointer du doigt les Bush ou les Juifs pour expliquer leurs malheurs (ce qui est lassant), et qu'ils s'attèlent sérieusement à expliquer comment eux aussi sont extraordinaires et combien ils contribuent positivement à la richesse collective. C'est une chance à saisir, et je crois que plusieurs sont déjà à l'œuvre pour ne pas la laisser passer.

Site Web du programme interdisciplinaire en langue et culture arabe de l'Université Concordia:

http://artsandscience.concordia.ca/inte/interdis_programs.cfm?ProgramID=3

Le mois dernier, l'auteur qui signe cet article avait cité dans un texte sur la Tunisie le cas du cyberdissident Zouhair Yahyaoui. Zouhair est subitement décédé le 12 mars, à Tunis, des suites d'une crise cardiaque. Il avait 37 ans. Il laisse dans le deuil sa famille, sa conjointe Sophie ainsi qu'une foule de supporters dans sa lutte pour la liberté d'expression en Tunisie. Visitez le site Web qui lui a valu 2 ans d'emprisonnement, à www.tunezine.com . Salut à toi, Ettounsi!

« Les droits que je réclame sont pourtant si simples. Rien n'est plus difficile que les choses simples, mon ami! (...) Je réclame le droit d'écrire, de crier et de rugir, le droit au délire, le droit à la satire n'en déplaise au vizir et à l'Émir... » - Zouhair Yahyaoui

Les droits humains en Tunisie : Sous la plage, les barreaux!



Valérie Guilloteau et Jean-Sébastien Lévesque, coordonnateurs-Tunisie pour Amnistie internationale, section canadienne-francophone.



Pour plusieurs Canadiens, la Tunisie est une grande inconnue. Pour d'autres, c'est un pays de plages, de soleil et de dromadaires - une destination-soleil au parfum d'Orient. Pour le gouvernement du Canada, la Tunisie est «un pays émergent "à succès" ». Nous sommes loin de la réputation explosive d'un grand nombre de pays arabes! Pourtant, l'image de ce pays ne repose que sur sa capacité à maintenir un mirage. Nous parlerons ici de la situation des droits et des libertés en Tunisie, qui s'est détériorée lors des 17 dernières années au point de rendre leurs violations systématiques et institutionnalisées.


Un peu d'histoire

La Tunisie est un petit pays de 10 millions d'habitants entre l'Algérie et la Lybie. La moitié sud du pays est faite de désert, l'autre est faite de plages, de ruines romaines et de merveilles des traditions berbère et arabe. Depuis l'indépendance du pays, en 1956, la Tunisie n'a connu que deux présidents. Le premier, Habib Bourguiba, se proclamait président à vie en 1975. En Novembre 1987, Zine el Abidine Ben Ali a écarté son prédécesseur du pouvoir. Son arrivée à la tête du pays promettait de grands changements.

Dans son discours inaugural comme nouveau président, l'une des premières promesses de Ben Ali était d'introduire le pluralisme politique, le respect des droits de l'homme et de rétablir l'autorité de la loi. Durant les premières années, plusieurs centaines de prisonniers d'opinion furent libérés.

La Tunisie s'est efforcée de se faire une image de marque au plan international en participant activement aux différents travaux des Nations Unies, en ratifiant presque tous les traités internationaux relatifs aux droits fondamentaux et en développant un important réseau diplomatique à l'étranger, notamment dans les pays occidentaux. Sur le plan intérieur, plusieurs mesures ont été prises, dont la création d'un Comité supérieur des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que la désignation d'un conseiller particulier à la présidence chargé des droits de l'homme.

Mais soyons clairs : 17 ans plus tard, nous pouvons affirmer que ces réformes, loin d'améliorer la situation des droits de la personne en Tunisie, n'ont servi et ne servent encore aujourd'hui qu'à masquer la réalité des gens du pays, qui sont privés quotidiennement de leurs droits et de leurs libertés les plus fondamentales. Passée sous le radar des remous globaux des années 90, la Tunisie de Ben Ali a su établir une démocratie de façade alors que les libertés reculent, le pouvoir se fait personnel et corrompu, la torture continue d'être utilisée pour mieux contrôler la population. Ben Ali a sollicité un quatrième mandat de cinq ans à l'élection présidentielle d'octobre 2004. Causant la surprise, il ne fut réélu « que » par 94 % des voix!

La situation des droits de la personne.

La situation est malheureusement très simple à résumer : la quasi-totalité des droits reconnus par la Déclaration universelle est quotidiennement violée. Ces violations sont aujourd'hui systématiques et institutionnalisées, ce qui signifie que toutes les sphères du pouvoir sont impliquées : du simple policier jusqu'au président de la République, en passant par les juges, les autorités pénitentiaires, les services de la Poste, les administrations universitaires ou l'Agence des télécommunications.

Tous ces droits et toutes ces libertés font l'objet chaque année de violations systématiques, que ce soit à l'encontre de simples citoyens ou de défenseurs des droits humains. Et le gouvernement actuel ne semble aucunement avoir l'intention de corriger la situation. Au contraire, la répression empire chaque année. Au point qu'aujourd'hui, les quelques rares personnes qui osent encore s'opposer à l'intérieur du pays vivent dans des conditions dangereuses pour eux ainsi que pour leur famille. Presque en permanence, ils sont suivis, leurs conversations téléphoniques sont écoutées, leur courrier électronique est intercepté. Ils sont exclus de la société par différents moyens : impossibilité de se trouver du travail, diffamation. Des contrôles administratifs sévères sont imposés à ceux qui sortent de prison. Ils sont souvent victimes de harcèlements, d'agressions verbales et physiques en pleine rue ou à l'intérieur de locaux de la police.

Lorsqu'ils sont arrêtés - le plus souvent arbitrairement - la torture et les mauvais traitements sont quasi-systématiques, et les conditions de détention peuvent être qualifiées de dégradantes et inhumaines. Le recours à la torture a non seulement pour but d'arracher des aveux ou des informations, mais aussi de punir ou d'intimider. L'échec - voire la complicité - de l'appareil judiciaire en ce domaine est flagrant, les plaintes des détenus ou de leurs familles ne font pas l'objet d'enquête et les examens médicaux, lorsque demandés dans ces circonstances, ne sont pas pratiqués. Actuellement, nous pouvons affirmer que les agents des pouvoirs publics qui commettent des actes répréhensibles jouissent d'une totale impunité.

À titre d'exemple, citons d'abord le cas d'Imène Derouiche. Militante étudiante, elle est arrêtée après avoir organisé en 1998 une contestation à l'Université de Tunis visant notamment la présence omniprésente de la police sur le campus. Torturée pendant 5 jours, elle subira les pires violations possibles contre l'intégrité physique d'une femme. Condamnée à la suite d'un procès à l'objectivité contestable, elle sera libérée deux ans plus tard suite à une grève de la faim et à une campagne d'Amnistie internationale. Maintenant établie en France, Imène Derouiche a porté plainte contre ses tortionnaires devant les autorités françaises après avoir constaté que ces individus avaient fait le voyage outre Méditerranée avec elle pour y continuer leur intimidation. La plainte a été retenue par la justice et est en cours d'instruction.

« Le 4 juin 2002, Yahyaoui, fondateur et animateur du site d'informations TUNeZINE, est arrêté par des policiers en civil dans un cybercafé de Tunis», nous apprend ensuite le rapport 2003 de Reporter sans frontières. « Il est ensuite interrogé par des membres de la Direction de la Sûreté d'État (DES, qui dépend du ministère de l'Intérieur) et torturé. Il finit par donner le code d'accès à son site Internet. Le 10 juillet, le cyberdissident est condamné à une année de prison pour "propagation de fausses nouvelles dans le but de faire croire à un attentat contre les personnes ou contre les biens" et à une autre année pour "vol et utilisation frauduleuse de moyens de communication". Le jeune homme, dont le site rapportait les propos de l'opposition, s'était moqué, à plusieurs reprises, du président Ben Ali.»

Vous trouverez de nombreux autres cas documentés dans les différents rapports annuels d'Amnistie internationale et des autres ONG comme Reporters sans frontières, Human Rights Watch, Avocats sans frontières ou la Fédération internationale des Droits de l'homme.

Récemment, la Tunisie a promulgué une loi « antiterroriste d'appui aux efforts internationaux de lutte contre le terrorisme et de blanchiment d’argent ». Fondé sur une définition vague du « terrorisme », ce texte se prête à une interprétation très large susceptible de nuire encore davantage aux droits humains. Amnistie craint que, par exemple, l'exercice du droit à la liberté d'expression ne soit considéré comme un acte de « terrorisme » susceptible d'entraîner une longue peine d'emprisonnement prononcée par un tribunal militaire à l'issue d'un procès inique. La loi permet la prolongation de la détention provisoire sans limitation de durée. Elle ne prévoit en outre aucune garantie pour les personnes susceptibles d'être extradées vers des pays dans lesquels elles risquent d'être victimes de violations graves de leurs droits fondamentaux. Dans le passé, des dispositions préexistantes de la législation ont été régulièrement invoquées pour criminaliser des activités d'opposition pacifique.


En Tunisie, « il est interdit de consulter les sites (Web) interdits »


L’uniformité de l’information tant écrite qu’audiovisuelle est devenue une caractéristique de la presse tunisienne. L’accès à l’Internet est limité (tout juste 6 % de la population, selon Reporters sans frontières). Certains sites d’informations tunisiens ou journaux électroniques, mais aussi de partis politiques, d’ONG ou de médias étrangers diffusant des informations critiques contre le gouvernement, sont régulièrement bloqués en Tunisie.

Le contrôle des moyens de communication et notamment d’Internet est renforcé avec la mise en place d’une véritable « police du cyberespace » en vue de pister et d’interpeller les internautes trop actifs, les « cyberdissidents ». Les messageries anonymes, de type « Hotmail » sont souvent inaccessibles afin d’inciter les internautes à utiliser des comptes plus facilement contrôlables.

La loi anti-terroriste de 2003 stipule que sont soumis au régime de l’infraction terroriste « les actes d’incitation à la haine ou au fanatisme racial ou religieux quels qu’en soient les moyens utilisés » - Internet étant l’un de ces moyens.

En avril 2004, sept jeunes hommes d’origine de Zarzis, au sud de la Tunisie, ont été condamnés à de lourdes peines, allant jusqu’à 13 ans de prison, sur des accusations de « terrorisme » et de rassemblement non autorisé. Ces jeunes Tunisiens étaient principalement accusés d’avoir consulté et téléchargé des documents jugés dangereux par les autorités. Des allégations de torture ont été communiquées à Amnistie internationale, mais n’ont pas été entendues durant leurs procès respectifs.

Les étudiants Omar Chelindi, 22 ans; Hamza Mahroug, 22 ans; Omar Rached, 22 ans; et Abderrazaq Bourguiba, 19 ans; le professeur Ridha Ben Haj Brahim, 38 ans; Abdelghaffar Guiza, 22 ans et Aymen Mcharek, 22 ans ont été arrêtés entre le 8 et le 17 février 2003 et accusés de préparer des actes terroristes. Toutefois, à ce moment, les autorités ne paraissent pas avoir les preuves nécessaires pour soutenir les accusations. De plus, il semble que ces hommes furent gardés secrètement en détention pendant plus de 18 jours, période pendant laquelle ils auraient été soumis à la torture dans le but d’obtenir des aveux. Ces déclarations auront été utilisées par la suite lors de leurs procès.

Six de ces hommes ont reçu des peines de 19 ans et 3 mois d’emprisonnement. Abderrazaq Bourguiba, un étudiant de 19 ans qui était mineur lors de son arrestation, a reçu une peine de 25 mois d’emprisonnement lors d’un procès séparé. Le 6 juin, la cour d’appel de Tunis a réduit les sentences à 13 ans d’emprisonnement pour Chelindi, Mahroug, Rached, Ben Haj Brahim, Guiza et Mcharek. Bourguiba a été encore une fois jugé séparément et a vu sa sentence initiale réduite à 24 mois.

Lors des procès initiaux et des appels, les normes internationales en matière de procès équitables ont été violées. Les rapports de police présentaient des dates d’arrestation falsifiées apparemment pour dissimuler les 3 semaines de détention au secret durant lesquelles la plupart des accusés allèguent avoir été victimes de torture et de mauvais traitements. Aucune enquête n’a été ordonnée concernant ces allégations. Les observateurs internationaux présents au procès l’ont décrit comme un grand spectacle désirant souligner la participation de la Tunisie à la guerre contre le terrorisme.

Le cas de ces internautes n'est malheureusement pas unique. Depuis, d'autres groupes d'internautes d'un peu partout dans le pays, près d'une trentaine selon certaines sources, font face à la même situation. Une campagne visant la libération des internautes de Zarzis, orchestrée par Amnistie internationale est présentement en cours. Sur le site d'AI, vous trouverez de l'information ainsi que des actions concrètes à accomplir pour faire pression sur les autorités tunisiennes. Vous y trouverez aussi l'adresse des internautes de Zarzis, auxquels vous pouvez écrire : eux aussi ont besoin de savoir que le Monde ne les oublie pas.

La Tunisie, bientôt l'hôte d'un grand sommet des Nations-Unies

C'est dans ce contexte que Tunis, capitale de la Tunisie, s'apprête à être l'hôte en novembre prochain, du Sommet mondial sur la société de l'information (SMSI). Il s'agit d'une conférence chapeautée par les Nations Unies, réunissant les acteurs nationaux traditionnels, des entreprises et des ONG œuvrant dans le domaine des technologies de l'information (TI).

On attend beaucoup du sommet de Tunis. Pourtant, le paradoxe est éclatant entre l'attitude tunisienne envers les droits humains et la légitimation internationale dont elle jouit en se faisant accorder l'organisation de ce sommet. Comment un pays au bilan désastreux au plan de la liberté d'expression, peut-il être l'hôte de ce sommet? De nombreuses ONG canadiennes et européennes se questionnent sur le caractère éthique de leur participation à cette conférence. Se faisant, ne contribueront-elles pas à donner plus de crédibilité à une mascarade ? Pour les ONG tunisiennes comme la Ligue tunisienne des droits de l'Homme, il faut aussi penser aux lendemains du SMSI.

Le Canada mise beaucoup sur le SMSI et enverra une large délégation à Tunis, menée vraisemblablement par Paul Martin. Le Canada a versé en février un peu plus de 100 000 $ à l'organisation du Sommet, et finance plusieurs programmes visant à faire profiter les pays en voie de développement du savoir-faire canadien en matière de TI.

C'est notre responsabilité à tous, comme citoyens, de faire savoir à nos élus que la contribution du Canada au SMSI doit aussi en être une d'influence sur la Tunisie vers des comportements conséquents en matière de libertés démocratiques. Le gouvernement canadien doit savoir que c'est ce que sa population attend de lui en allant à Tunis. Écrivez à vos élus, faxez à vos ministres, téléphonez à Paul Martin : faites du SMSI un sommet équitable pour les Tunisiens!

Environ 10 000 Canadiens d’origine tunisienne vivent au Canada. Certains d'entre eux sont des victimes de la répression. Dans certains cas, l'intimidation du régime semble se poursuivre même ici. Plusieurs ne peuvent retourner chez eux, ou ils ont laissé famille et amis.

Pour êtres tenu informé des actions à venir, écrivez à :

vguilloteau ( a ) amnistie.qc.ca


Liens :
http://www.amnesty-volunteer.org/aiscf/coord-tunisie
http://www.amnistie.qc.ca
http://www.wsis-canada.gc.ca/act/fr/docs/CanadianStatement.htm
http://www.ifex.org/fr/content/view/full/64664/
http://www.itu.int/wsis/index-fr.html
http://www.wsistunis2005.org/plateforme/index.php?lang=fr


Références :

Amnesty international, Guide à l'usage des membres, EFAI, 2003.
Amnesty International, Tunisie, du discours à la réalité, EFAI, 1994.
Amnesty International, Rapports annuels 2003 et 2004, EFAI.
Hamma Hammami, Le chemin de la dignité, Ouvrage réalisé par le Comité national et international de soutien à Hamma Hammami et ses camarades, 2002.
CRLDHT, La torture en Tunisie 1987-2002, Le temps des cerises, 2001.
Reporters sans frontières, Tunisie le livre noir, éditions La Découverte, 2001.

Le soleil se lève aussi le soir : des suggestions pour vos soirées de fin d'hiver

Urbain Desbois n'en finit plus d'être découvert

Dans la chanson québécoise, on note deux grandes tendances. D'abord, il y a la chanson mielleuse, certifiée exportable. Puis il y a la chanson populaire (comme dans « peuple ») : articulée autour d'un texte qui parle de not' misère, de not' vécu et de « cheu nous ». Elle est généralement accompagnée d'une guitare et interprétée par des émules de Félix Leclerc.

Urbain Desbois fait clairement partie de cette deuxième partie. Verbomoteur impénitent, il a commis 3 CD. Le premier, Ma maison travaille plus que moi (2000), est le fruit de 17 ans d'efforts à traîner sa rengaine et sa guitare dans les bars. Il a mangé beaucoup de spaghettis pas de sauce, il a habité dans des appartements pas chauffés, il n'a pas une cenne. Et il nous en parle. C'est ainsi que cet homme qui en a vécu d'autres a été « découvert » par La Tribu et que depuis, on s'efforce de le mettre dans des salles plutôt que sur un stage de bars.

« Quand je chantais dans les bars, je jouais mes chansons tristes et tout le monde riait », dit le chanteur. C'est que malgré des thèmes doux-amers, limites tragiques (« des fois, mais pas toujours, j'ai un peu envie d'aller m'tuer/ Des fois, mais pas toujours, ça m'arrive même d'essayer »), Urbain livre ses tripes sur un ton de comptines badines («Y'a un essuie-glace qui gratte dans le pare-brise/ On dirait qu'il veut rentrer »), avec des jeux de mots simples et des images suaves. Toute résistance est futile. Musicalement, c'est pas un débutant, comme en témoignent ses courageuses « impros »....

Urbain, c'est un poète charismatique qui passe la moitié d'un spectacle à raconter sa vie, si bien qu'à la fin de la soirée, son public part avec l'impression d'avoir partagé une bière dans un bar en compagnie d'un ami très divertissant. On apprend par exemple que sa première jobine était laitier (« les madames m'ouvraient la porte en robes de chambre, ça sentait le café et les toasts en dedans... »), qu'il a été barré du Café Chrétien et que Gregory Charles lui a volé son concept de show. Il compte bien se venger aux prochaines retrouvailles des Petits Chanteurs du Mont-Royal.

Comme vous aimez beaucoup les comparaisons, Urbain Desbois, c'est une part de Richard Desjardins, une part de John Lennon (moins l'air Jésus), un peu de Lynda Lemay (ne criez pas!) et beaucoup d'Urbain tout court. Il a une maison en campagne et un chalet en ville, son dernier album s'appelle Entomologies (2003), où il fait un détour réussi du côté de la chanson d'amour et il jouera prochainement à la Petite Gaule (2525, rue Centre). (http://www.urbaindesbois.ca)

Béluga: toujours l'amour!

Coup de foudre de l'automne, le duo Béluga (Clermont Jolicoeur à la voix, Simon Landry à tout le reste) est un de ces groupes qui sortent de l'eau alors que les planètes sont enlignées juste pour... Chaque p'tit gars victime de cette terrible maladie qu'est la peine d'amour se reconnaît dans ce rock-groove au coeur brisé bourré d'émotions qui sortent des tripes comme autant de déclarations bien vibrées mais venues trop tard.

Ça suinte et ça dégouline, mais il y a des moments pour dire ce qu'on a sur le bord de la bouche... Histoire de se la sortir du corps, cette flamme qui ne brûle plus qu'à sens unique. Et puis si on devient la sensation musicale de la saison pendant qu'on rêve de « l'île des filles douces et gentilles », pourquoi pas?

« Avant ma mort/ j'aimerais savoir/ ce que son cœur / a de chaleur... Elle m'aime, m'a-t-elle dit elle-même/ elle-même, m'a-t-elle dit qu'elle m'aime? » (Shack de chats)

C'est né dans le Mile-End, ça jazz, ça hip, ça hop et notre oncle-rockeur autrefois connu sous le nom de Jean Leloup n'y serait pas pour rien dans toute cette histoire. Béluga est en spectacle les 9, 16 et 24 mars, et le 2 avril, au cabaret Music-Hall. (http://www.belugarock.com)

LNI : 27e saisons, le lock-out est évité

Lundi 14 février au Medley, c'est avec soulagement qu'un public gonflé d'amour a vu les joueurs de la Ligue Nationale d'Improvisation (LNI) sortir du vestiaire à l'heure convenue : le lock-out est évité. Il semblerait qu'une entente de dernière minute sur le plancher salarial ait été atteinte, il y aura donc compétition pour la Coupe Charade en 2005. Ouf!

C'est déjà la 27e saison de la mère de toutes les ligues d'impros qui s'amorçait, en présence d'une importante délégation de gens importants ainsi que d' « acteurs » de « l'émission » Casting (deux des leurs étaient de l'alignement partant). On notait par contre l'absence remarquable du magnat du rire Gilbert Rozon, le Gary Bettman de la LNI. Robert Gravel, fondateur de la Ligue et décédé notoire, continuait pour sa part à être physiquement absent tout en demeurant l'immortel dieu de l'Impro.

Les Bleus (meilleurs au classement 2004) ont volé le match aux Rouges (gagnants de la Coupe Charade 2004) par un pointage de 7-6, lors de ce lundi pas comme les autres. Edith Cochrane, toujours aussi efficacement blonde au-dessus comme en dessous de son chandail rouge, a décroché la troisième étoile de la partie. JF Nadeau a remporté l'inaccessible première étoile, même s'il est moins blonde.

La recette de la LNI est indémodable et les croyants en redemandent. « Tout y était. Mélodrame du travailleur en construction, quête de la jeune Amérindienne, révélation lévitationnelle du maître chinois et j'en passe... Enfin un beau et foisonnant témoignage de la polyvalence de ces artistes du verbe improvisé », a déclaré Amélie H., une buveuse de Brador (la « plus-que-bière ») satisfaite, perchée sur la chaise à côté de la mienne du côté de la passerelle des journalistes.

Avis à un public qui se cherche toujours un peu, c'est chaque lundi que le calendrier nous emmène, entre le 14 février et le 31 mai, les matchs de la LNI disputés toujours dans l'ancien temple de la décadence bavaroise qu'est le Medley (514-842-6557). Le match des étoiles aura lieu le 24 mai et les séries éliminatoires seront disputées les 30 et 31 suivants. (http://www.lni.ca)

Les cabarets éclatés des Zapartistes

Ils sont 7, ils sont beaux, ils sont drôles et ils frappent sur tout ce que la colonie de l'humour ne dénonce plus depuis RBO... Les Zapartistes sont à l'humour québécois ce que Michel Chartrand est à Wal-Mart : l'antithèse corrosive. Avec eux, pas de one-liners sur les belles-mères, sur le bol de toilette ou sur la nourriture d'avion. Ici, on rit de ce qui n'est pas drôle : la consommation, la mondialisation, l'exploitation et Jean Charest.

On parle d'eux comme le retour de l'humour politique au Québec. On dit qu'ils prêchent à un public converti d'altermondialistes bien-pensant ainsi qu'à Télé-Québec (où ils animent la mi-période de l'émission musclée de Marie-France Bazzo). On dit même qu'ils se permettent des escapades incognito du côté de la rue Bernard à Outremont entre deux tirades contre le Capital. Reste qu'on s'amuse énormément avec leurs bulletins de nouvelles caustiques (« Les médecins se sont prononcés en faveur du CHUM à Outremont : ils apprécient beaucoup l'idée de pouvoir rentrer chez eux à pied pour dîner »), leurs monologues acidulés (par exemple, un texte hallucinant sur le pouvoir de manipulation des idées par les Desmarais et la corporation Power qui commence par « Ceci est un cube de plutonium. Contrairement aux cigarettes, il n'est pas en vente dans les dépanneurs. Pas encore. ») et leurs chansons revisitées (« une chance qu'on s'a », un duo romantique avec W. et Ossama, vaut particulièrement son pesant de dérision).

Les Zapartistes tiendront salon dans les semaines à venir dans un repère de gauchistes près de chez vous... Tenez-vous au courant en allant visiter leur site (http://www.leszapartistes.com), et ne manquez pas d'y lire leur manifeste.

La contre-culture fait vendre plus de chaussures

Alter-mondialisation, anti-consumérisme, culture-jamming...
La contre-culture fait vendre plus de chaussures


Adbusters, No Logo, le Forum social mondial, la bataille de Seattle... La renaissance de la conscience sociale, qui s'exprime depuis quelques années à travers la lutte – parfois festive, parfois violente – contre les institutions qui nous imposent un modèle social et économique uniforme et inégal, est un phénomène archi-attirant qui redonne un peu d'espoir en l'Homme. L'OMC, la Banque Mondiale et les schèmes d'intégration économique – les méchants – sont de plus en plus sous l’œil critique d'une frange grandissante de la population qui réclame que l'être humain et la justice sociale soient remis au cœur des intérêts de la société. Pourtant, selon Joseph Heath et Andrew Potter, auteurs de l'essai The Rebel Sell, il serait temps que la mouvance sociale prenne un moment pour l'autocritique. La gauche est en train de répéter des erreurs stupides – des années 50 jusqu'à aujourd’hui – en se basant sur une compréhension erronée des forces qui nous gouvernent et de la nature humaine. Au mieux, les tenants de la contre-culture vont inévitablement se faire « récupérer » par le « système » consumériste qu'ils dénoncent. Au pire, la logique même de leur action détourne l'énergie réformiste loin des institutions politiques qui sont le véritable véhicule du changement. Ce qui est contre-productif et dangereux.




Les deux auteurs ne sont ni de grands économistes, ni d'ambitieux politiciens abonnés aux sommets économiques mondiaux. Joseph Heath est professeur de philosophie à l'Université de Toronto. Andrew Potter est chercheur associé au Centre de recherche en éthique de l'Université de Montréal. En terme de cheminement idéologique, ils ont plus en commun avec Jaggi Singh qu'avec Stephen Harper. Ils ont amplement donné en termes de participation aux manifestations et d'élaboration d'alternatives au modèle économique dominant.

Mais un malaise a grandi en eux à mesure qu'ils approfondissaient leur « conscience » sociale. Et si la gauche était sur une route qui ne mène nulle part? Kalle Lasn, grand gourou du Culture-Jam (fondateur de la revue Adbusters et promoteur du Buy Nothing Day), et Naomi Klein, auteure de No Logo (grande pourfendeuse des Corporate Bullies et passionaria de l'anti-mondialisation), sont à la source de leur malaise.

L'an dernier, s'appuyant toujours plus sur une idéologie à la logique alambiquée, visant à renverser le système par ses propres armes, Lasn a lancé une offensive ultime contre le lavage de cerveau des consommateurs, bombardés par le branding. Pour contrer la perversité de marques de chaussure telles Nike et Adidas, Lasn a mis sur le marché une marque de chaussure anti-marques, Black Dot. La marque de commerce de cette chaussure est censée être la représentation totale de l'absence de marque : un point noir! Fascinant.

« Lasn décrit le projet de chaussure comme un point tournant du plan marketing pour rendre Nike non-cool. Si ça fonctionne, ça créera un précédent qui révolutionnera le capitalisme″. Mais comment exactement est-ce supposé révolutionner le capitalisme? Reebok, Adidas, Puma, Vans et une demi-douzaine d'autres compagnies essaient de rendre Nike non-cool depuis des décennies. Ça s'appelle la compétition du Marché. C'est, dans les faits, l'essence même du capitalisme. »

Dans No Logo, Naomi Klein commet la même erreur en dénonçant vivement les forces consuméristes alors qu'elle envoie des masses de signaux indiquant qu'elle participe à fond aux comportements qu'elle dénonce. Klein est dépeinte comme une fraude, aveuglée par l'appel esthétique de la contre-culture, qui lui offre une voie pour préserver son statut d'élite sociale. Troublant.

Ce Système qui nous manipule

À la source de la conception contre-culturelle est la prémisse selon laquelle nous sommes tous inconsciemment les victimes d'une vaste conspiration. Un « système » qui s'efforce de nous abrutir par des moyens pernicieux comme la publicité et la mode. En fait, tout l'appareil social – de l'éducation à la religion, en passant par la télévision – est fait de façon à nous dérober de notre libre-arbitre et à nous rendre conforme.

La contre-culture s'appuie sur les fruits de la réflexion de plusieurs penseurs et chercheurs qui réadaptent Marx aux contingences contemporaines, tel Jean Baudrillard : « La solution à la "contradiction" du capitalisme, selon Baudrillard, est de transformer le travailleur en consommateur. La façon de se débarrasser de tous les excès de production est de pousser les travailleurs à en vouloir plus. Les convaincre qu'ils ne peuvent absolument pas vivre sans une nouvelle voiture ou une maison cossue à la banlieue. Ainsi, le capitalisme crée la compulsion du besoin et la compulsion de consommer. »

Le Système, peu importe ses leaders, s'effondrera inévitablement quand l'être humain prendra conscience de cette machination totalitaire qui pèse sur lui. D'où la nécessité inhérente, pour les « éveillés », de se révolter et de considérer comme suspect tout ce qui est... « normal », conformiste. La contre-culture fait l'éloge de la folie, et considère presque n'importe quel acte « asocial » comme un pas positif vers l'effondrement du Système (le vandalisme, la drogue...). Corollaire de cette affirmation, tout ceux qui tentent de transformer le Système de l'intérieur se feront nécessairement coopter. Ils deviennent automatiquement suspects.

Oui mais voilà... Toutes les tentatives de conscientiser les masses ont échoué malgré les efforts énormes des années 60 et 70. Les rebelles sont devenus désabusés. L'espoir d'un nouveau jour a laissé sa place dans les années 80 à une sorte de nihilisme : alors que certains hippies « retournent leur veste » et achètent des BMW, toute forme de succès et de réussite sociale devient comme une tare aux yeux des insatisfaits du Système. L’aliénation que cause cette crise existentialiste de la gauche a trouvé sa plus éclatante expression culturelle, selon les auteurs, dans l'incapacité d'un type comme Kurt Cobain à accepter le succès commercial.

« Cobain n'a jamais été en mesure de réconcilier son engagement envers la musique alternative avec le succès populaire de Nirvana. En bout de ligne, son suicide était une façon de sortir de l'impasse. Mieux vaut arrêter maintenant, avant que la dernière goutte d'intégrité ne le quitte, et éviter de devenir un complet vendu. De cette façon, il pouvait continuer de s'accrocher à sa conviction que "le punk-rock est la liberté". Ce qu'il n'a pas réussi à considérer était la possibilité que tout ceci n'était qu'une illusion : il n'y a pas "d'alternatif", pas de "mainstream", pas de relation entre musique et liberté, il n'existe rien comme de devenir un vendu. Il n'y a que des gens qui font de la musique, et des gens qui écoutent de la musique. Et si vous faites de la bonne musique, les gens voudront vous écouter ».

Cobain s'est retrouvé coincé entre ses Grandes Convictions et cet étrange phénomène qu'est la réalité. Peu importe ce qu'il faisait pour se débarrasser du succès (pensez à In Utero), il était inévitablement ramené à jouer un rôle actif dans le « Système ». Cobain a choisi de rester fidèle à ce qui le définissait (la rébellion), en refusant de participer plus longtemps au « Système ». Mais s’il n'y avait pas de système?

Une pensée circulaire

On nous ressort pourtant ces dernières années le même refrain, teinté d'incompréhensions et de contradictions, avec les luttes anti-capitalistes et anti-globalistes d'aujourd'hui. Le mythe d’un grand méchant système est toujours bien vivant. Ne devrait-on pas connaître la chanson? Visiblement, Kalle Lasn et Naomi Klein ont la nostalgie des vieux refrains.

Le problème aujourd'hui est que « l'entendement contre-culturel de la société est devenu si imbriqué dans notre compréhension de la société qu'elle influence chaque aspect de la vie sociale et politique [...] La contre culture a presque complètement remplacé le socialisme à la base de la pensée politique radicale. Si la contre-culture est un mythe, c’en est un qui a mal guidé un nombre énorme de gens, avec des conséquences politiques graves. » La critique contre-culturelle a été très efficace pour inscrire à l'agenda certains des problèmes les plus criants de notre époque. Elle est cependant particulièrement inefficace à produire des solutions réalistes, et à en faire partie. En fait, elle se pose en éternelle opposition. Elle considère la compromission comme une sorte de trahison, et juge (de haut) les arguments de ses adversaires comme irrecevables.

La contre-culture est née du traumatisme post-nazi. « Après l'Holocauste, ce qui auparavant avait été un léger dégoût de la conformité s'est muté en un écœurement hypertrophié de tout ce qui peut avoir une odeur de régularité ou de prédictibilité », nous disent les auteurs. « Beaucoup sont devenus non seulement effrayés par le fascisme, mais dans plusieurs cas, par la société elle-même. La gauche a commencé à soupçonner plusieurs des bases fondamentales de l'organisation sociale, comme les normes sociales (incluant l'étiquette), les lois et les formes d'organisation bureaucratique. Pourtant sans ces bases fondamentales, il est simplement impossible d'organiser une coopération à large échelle entre les êtres humains. »

Ceci n'est pas pour dire que la critique et le questionnement sont vains et qu'il est inutile de vouloir changer le monde. Les auteurs semblent surtout préoccupés par la nécessité de dénoncer les excès d'une logique qui, si elle est inspirée à la base par une volonté d'améliorer le monde, risque plutôt d'atteindre l'objectif contraire. Le danger est de s'enfermer dans une tour d'ivoire de l'imaginaire populaire et d'une fois de plus prôner une voie qui a si souvent prouvé qu'elle ne menait nulle part, hormis à la confrontation et à la mort de millions de gens. L'idée est de connaître vraiment ce que l'on dénonce, au-delà des idées reçues. Et de savoir pourquoi on questionne. Une fois cette démarche faite, le dialogue et l'amélioration sont possibles.

Potter et Heath pensent que la solution réside dans plus d'investissement – pas moins – dans les institutions politiques. « À un certain point, la position des tenants de l'anti-mondialisation commence à générer un cercle vicieux. Le gros problème avec la mondialisation, disent ses opposants, est qu'elle affaiblit les gouvernements au point où ils sont maintenant insignifiants. Nous ne pouvons pas réclamer de nos gouvernements nationaux de préserver la paix, l'ordre et la justice sur cette planète, puisque l'impotence même de ces gouvernements rend leur amplitude limitée. Puis les activistes se détournent et refusent de participer à la politique nationale, et nient la légitimité des représentants élus. Cette fuite, qui éloigne de la politique démocratique, affaiblit d'autant plus les gouvernements et les aliène de segments cruciaux de la population. En faisant cela, le mouvement anti-mondialisation affaiblit le seul instrument qui peut être utilisé pour corriger les problèmes tant décriés. » La solution? Se délester de ce mythe comme quoi les gouvernements sont sans pouvoir, ré-apprivoiser la gauche d'avec la gouvernance, et « tirer le meilleur parti de la mondialisation ». Oui, c’est possible.

Les solutions existent, et il est inutile d'ignorer l'éléphant dans le salon pour les trouver. Hors du dogmatisme idéologique, le monde actuel, qui ne sera jamais un paradis, possède pourtant déjà les instruments pour le rendre plus viable au plus grand nombre. Voici donc un livre qui soulève une foule de bonnes questions et qui cherche à aller au-delà de l'ensemble des idées acquises que nous ne prenons plus la peine d'analyser. Gauchisez intelligent!

The Rebel Sell, Joseph Heath et Andrew Potter, (2004: Harper & Collins, Toronto), 358 pages.

« Dis-moi comment tu fais pour endurer tout ça »

Une étonnante entrevue avec Dédé Fortin

Si vous n'avez pas entendu parlé d'André Fortin durant les quatre dernières années, vous n'étiez pas nécessairement sur une autre planète. À la fin de la tournée qui a suivi la sortie de l'album « Dehors novembre » en 1998, Les Colocs ont décidés de prendre des squats séparés. À la veille du lancement de son premier album solo, il se confie à son journal étudiant préféré.

Concordia français : Ça fait longtemps qu'on a pas entendu parler de toi Dédé... Qu'est-ce que tu deviens?
Dédé : Oui, oui, oui, je suis parti pendant longtemps. Mais maintenant je suis revenu et l'avenir est fantastique!
Concordia français : Qu'est-ce que tu as fais pendant toutes ces années?
Dédé : À la fin de la tournée des Colocs, en 2000, je suis parti au Brésil. Le dernier show du groupe, ça été un gros party bien important pour moi, parce que c'était le 24 juin, dans ma ville natale au Lac. Je leur promettais ça depuis longtemps. Ensuite, je suis parti apprendre à vivre au Brésil.
Concordia français : Qu'est-ce que tu as appris là-bas?
Dédé : L'excuse, c'était d'aller tourner un film sur les kids de la rue dans les bidonvilles... J'ai rencontré des tonnes de p'tits dédés qui jouent dans les ruelles. Ensuite j'ai découvert toutes sortes de nouvelles façons de m'exprimer par de nouvelles musiques, celles des gens de la rue. Pour eux, c'est une façon importante de communiquer, de passer leurs messages pis leur agressivité d'une autre façon qu'en jouant aux guns. La démocratie donne pas toujours une voix à ces gens-là, mais leur musique, c'est un vote de confiance en eux-mêmes.
Concordia français : Pourquoi tu reviens maintenant?
Dédé : J'ai des choses à dire j'crois bien! Une des grosses raisons, c'est que y'a 10 ans maintenant, en novembre 1994, Phil Esposito Di Napoli, un des premiers colocs, est mort du sida. Ce nouveau disque lui est 100 % dédié.
Concordia français : Ton nouveau disque est très différent de ceux de l'époque des Colocs?Dédé : Oui... non... euh... Je sais pas... Y'a toujours plein de musiciens qui m'accompagnent, c'est toujours de la musique pour rassembler le monde. C'est vrai que y'a des chanson pas mal plus intimes aussi. « Immobile », celle au milieu du disque, est totalement différente de ce que j'ai toujours chanté. C'est beaucoup plus direct et personnel comme message. « T'es belle pis c'est pour ça que je t'aime » aussi, dans le fond. Mais une toune comme « Ya basta! », on est 36 musiciens dessus! Attends de voir ça en show...
Concordia français : Tu es aussi allé fouiller dans des vieilleries...
Dédé : Ouais. La dernière chanson c'est « Cheek To Cheek » de Irving Bell. On a besoin de se rappeler que le monde est beau ces jours-ci.
Concordia français : Toujours indépendantiste?
Dédé : J'en suis! Le monde dans la rue comprend pas toujours que c'est encore important mais ça va revenir. Le but, c'est d'avoir un état dans lequel le monde a son mot à dire... Ça arrivera jamais dans le Canada à Paul Martin, ça!

***Vous croyez rêver? Vous vous dites : « mais comment est-ce possible? Je croyais que Dédé Fortin était mort! »C'est vrai. André Dédé Fortin s'est suicidé il y a 4 ans.S’il n'avait pas commis ce geste irréparable, Dédé aurait pu enrichir la musique québécoise pendant plusieurs années encore.Comme des milliers de Québécois, Dédé était victime d'une maladie.Le mois de novembre est le mois de la dépression. Il est important de savoir qu'il y a une vie après la dépression et que l'aide existe autour de vous.

À Concordia, adressez-vous à la clinique de santé:
Campus SGW : 2155, rue Guy, ER-407
Campus Loyola : 7141, rue Sherbrooke Ouest, AD-103-10 http://www-health.concordia.ca

Gnawa diffusion casse la baraque!

Au Maroc, les esclaves noirs de l’Afrique sub-saharienne ont formé des communautés qui se nomment les Gnawas. Les Gnawas, maîtres musiciens, pratiquent un type de chants qui mélange les traditions berbères, arabes et noires africaines. Ce chant est envoûtant, hypnotique, thérapeutique. Il est le lien harmonique transculturel entre l’Islam et l’animisme. C’est le principal véhicule qu’emprunte Amazigh Kateb, leader du groupe Gnawa diffusion, pour transcender lui aussi les frontières et briser les tabous qui empêchent l’harmonie.


Gnawa diffusion est souvent comparé à Manu Chao et son Radio Bemba Sound System, ou encore aux joyeux lurons du groupe toulousain Zebda. Les comparaisons ont souvent leurs défauts, mais la parenté avec l’activisme d’un Manu Chao et avec la fête qu’est un concert de Zebda n’est pas gratuite : même kermesse endiablée et un message engagé jusqu’au cou!
Le samedi 18 septembre dernier, le groupe était de passage à Montréal, dans le cadre du premier anniversaire de la revue de gauche À babord. La salle du Medley était pleine d’une foule bigarrée qui attendait avec impatience la venue de ce groupe charismatique. La première partie était assurée par le dynamique et excellent groupe Loco Locass, qui a réchauffé la foule avec, entre autre, une chanson qui paraîtra sur son prochain album : « Libérez-nous des libéraux »! L’allusion à Charest comme un « traître chez nous » est un peu malsaine, mais ce petit trio bourré de talents déballe les rimes avec tant d’éloquence qu’on peut leur pardonner un petit excès.
Fondé en 1992 à Grenoble, Gnawa diffusion en est déjà à son troisième album studio. « Souk System » est le dernier-né. En 2001, le groupe a également accouché d’un album live enregistré à Alger, au moment ou la Kabylie (une région et un peuple distinct vivant en Algérie) se rebellait contre l’autorité centrale. La chanson la plus connue du groupe est certainement « Ombre Elle » :
« J’aimerais être un fauteuil/ dans un salon de coiffure pour dame/ pour que les fesses des belles âmes/ viennent s’écraser sur mon orgueil »
L’air de rien, et avec beaucoup d’humour, la chanson aborde l’énorme tabou de la sexualité en Algérie et, par extension, dans le monde musulman. « Elle évoque un complexe très présent chez nous, le fait qu’on ne peut pas approcher les femmes en tant qu’hommes avant le mariage. C’est un problème social grave car notre jeunesse souffre d’une sexualité inexistante, d’une non-sexualité en fait », déclare Amazigh en entrevue pour un journal algérien. Fils du poète algérien Kateb Yacine, Amazigh – un nom qui signifie « Homme libre » en berbère – a débarqué en France à l’âge de 17 ans, en 1988. L’année suivante, son père meurt à la suite d’une foudroyante leucémie.

Le groupe et son verbe sont donc particulièrement acerbes et non-orthodoxes. L’une des chansons s’intitule « Ben-la-danse », en référence à celui qui s’appelle Laden. Une autre a pour refrain « Fuck the american power! », une phrase singulièrement exaltante à crier à tue-tête en ces mois d’hégémonie envahissante. Et vous pouvez compter sur Gnawa diffusion pour persister et signer!
Le groupe utilise une foule d’instruments traditionnels gnawas, comme le gumbris – un instrument à corde – et les karkabous – des claquettes métalliques semblables aux castagnettes espagnoles, mais autrement plus exotiques et mystérieuses – ainsi que le luth arabe, toujours aussi émouvant. Il est aussi composé d’une guitare électrique, d’une batterie, d’un clavier et de tout un tas de percussions. Le groupe n’utilise pas exclusivement la musique gnawa, mais explore aussi les avenues du jazz, du blues, du reggae et du châabi – un style propre à la région d’Alger – pour passer ses messages. Plusieurs des chansons utilisent l’arabe, mais aussi le français et l’anglais. Un magnifique mélange, festif et engagé!


Gnawa diffusion, album Souk System, 2003, est disponible sur étiquette Warner Jazz France.

Pour en savoir plus :
Gnawa diffusion
www.gnawa-diffusion.com

Loco Locass
www.locolocass.net

À babord
www.ababord.org

L'amour sans abri

Chronique littéraire

Elle aime Jean. Jean l’aime aussi, mais elle informe les espions, les sosies, ceux qui complotent contre lui et qui finiront par avoir sa peau. Tel est l’amour impossible que décline Judith Brouste dans Jours de guerre, publié le printemps dernier : le récit d’une femme qui tente de tirer de son abysse un sans-abri psychotique. Comment ne pas sombrer?

Cinquième roman de cette auteure française, après Les rires fou des chimères (1979), Le vrai mobile de l’amour (1997), Jours de guerre ouvre une porte intime sur la lutte au quotidien de deux êtres séparés par une guerre sans merci : celle contre laquelle lutte Jean et qui l’oppose à ses monstres intérieurs.

Ils s’étaient jadis entraperçus, dans une jeunesse dorée et révolue, évoluant dans le même cercle de bohèmes chics séjournant à Ibiza. Quand elle le retrouve, dans les rues de Paris, il sent mauvais; il a perdu ses dents; il engueule les passants dans la rue. «Plus de vingt-cinq ans après, je le retrouve en loques, les chaussures sans semelles, la chemise trouée. «Je fais ce que je peux», dit-il, surprenant mon regard. Il vit dehors». La folie s’est emparée de lui et l’a fait glisser en marge de la réalité.

La narratrice choisit d’aimer son fou. Elle tente, à coup de patience et d’attention, de le ramener dans la réalité. Paradoxalement, c’est sa folie qui la séduit : «son élégance, sa manière percutante, violente, de parler, de s’adresser au monde me rappellent constamment que nous sommes en guerre. C’est un soulagement qu’elle se révèle là, enfin visible. C’est la guerre partout et depuis longtemps. Dans les pays du nord et ceux du sud, dans les villes, les buildings, les laboratoires, dans les montagnes du Panchir et à l’intérieur des corps et des têtes. Comme jamais. Logique comme personne, elle nous plonge, direct, en apnée, dans ce qui noie, dans ce qui perd, yeux fermés, narines pincées, bouche close, poings serrés. Silence. Plus rien ne peut se dire». Jean est un miroir qui lui retourne l’image d’une réalité comme personne n’ose la voir. Dans sa folie, du génie.

Abordant l’amour telle une mission évangélique, envers et contre tous («Impossible de parler à quiconque de Jean, sans risquer d’être renvoyée à cette équation qui interdit toute parole : Tu aimes un fou.»), la narratrice de ce journal désordonné est contrainte à réfléchir sur la nature de ce qui sépare Jean du reste du monde. Est-ce bien du dehors que vient le danger, comme l’affirme Jean? Ou le crée-t-il lui-même? Qui est responsable?

L’aventure s’enlise et tarde à déboucher sur le nirvana de la délivrance : «Il n’est plus ce clochard que j’ai rencontré l’année dernière, et sa dignité retrouvée lui a redonné calme et assurance. C’est une façade. L’aliénation est là, tapie, prête à surgir, à tout contaminer, à tout dévaster sur son passage, semant doute et désolation». Les seuls répits sont la littérature, celle de Faulkner surtout. Le cinéma aussi, mais seulement celui des années 1970.

Une histoire d’amour, somme toute, comme il y en a des dizaines : une histoire d’amour qui ne peut s’empêcher de n’être que ça. Quelque chose vient invariablement bloquer la route. Ici, c’est l’ennemi à l’intérieur, jamais tranquille. Il n’y a pas d’amour complaisant.
Jours de guerre, Judith Brouste, (Paris : Gallimard, 2004), 177 p.

Nouveau départ

Professeur à l’Université Concordia, Jean-Marie Bourjolly a publié sa première œuvre de fiction, le roman Dernier appel, le printemps dernier. On dit que les premiers romans sont souvent autobiographiques, et celui-ci n’échappe certainement pas à la règle. «Ce roman doit beaucoup au pays ou j’ai grandi», explique l’auteur en quatrième de couverture.

Le pays est Haïti. L’histoire est celle de Didier, un jeune adulte qui se remémore sa vie au quotidien dans ce pays contrôlé d’une main de fer par le dictateur (renommé «Villier»), alors qu’il est sur le point de le quitter. Il y parle de sa mère – fière femme qui a aussi ses tendances autoritaires – de ses amis, des quartiers pauvres, de dissension et de répression, d’arbitraire et de chaos. Il y parle de toutes ces choses qui en somme font une vie, avec ses peurs mais surtout ses joies, et qui génèrent une nostalgie irrépressible. Il y parle aussi des ailes que donne l’éducation, qui sera la voie par laquelle il s’émancipera de cet univers étouffant. Mais partir, c’est mourir un peu.

«Si je n’étais pas allé à l’école; si les livres que j’ai dévoré n’avaient pas ouvert mes horizons; si je n’avais pas fantasmé sur un monde différent, un monde ou la peur n’est pas omniprésente, un monde ouvert aux conquêtes de l’esprit, un monde ou l’on peut gagner sa vie sans devoir renoncer à l’estime de soi, un monde ou l’on peut aller de l’avant à force d’ingéniosité, de travail, de persévérance; si je n’avais pas conçu l’idée audacieuse, déraisonnable, d’aller à la rencontre de ce monde-là, je n’aurais pas connu les tourments dont je suis en train de vivre l’expérience. Peut-être même que je serais un imbécile heureux. Ne dit-on pas que l’on ne souffre pas de ce que l’on ignore?»

Dernier appel, Jean-Marie Bourjolly, (Montréal : Cidihca, 2004), 256 p.

Éditorial Cf, septembre 2004: Deworr! un automne placé sous le signe du changement

Différents combats, même constat : l’automne 2004 a clairement un mandat pour le changement. C’est clair comme le fond de l’air, quelque chose se trame! Suivez-moi, faisons un rapide survol des indices qui signalent ce ménage en profondeur qui va transformer la terre entière.

En direct de l’Empire
Mondialisation, mon œil! Le 2 novembre prochain, 250 millions d’Américains sont invités à une élection dont le dénouement concerne la planète. Le moindre des papous devrait être convié à faire son X au bon endroit lors du super-mardi. Mais enfin…
La réélection de W mettra fin à un suspense infernal commencé en l’an 2000 et qui s’est vicieusement corsé quelque part en 2001. La crise de légitimité sera chose du passé.
Pourtant, les quatre nouvelles années de Bush seront aussi le début de sa fin. Quatre nouvelles années de terres brûlées vont faire mal : ça va sentir le méchoui pendant un bout de temps encore. En 2008, l’homme qui s’est montré plus fort que la Raison n’aura d’autre choix que de tirer sa révérence.
Dès cet automne, des femmes et des hommes de partout commenceront à travailler d’arrache-pied pour que fonctionne le Grand Ventilateur qui nous apportera la douce brise du changement. Après chaque révolution, il y a une bonne réaction.
Georges W., il faudra bien que tu partes un jour.

La tempête dans un bénitier
Bravo Pauline. Tu as compris que c’était la fin pour toi : tu ne seras jamais première ministre. Mais avant de te retirer de la scène publique, tu as fais ce qu’il fallait pour que la saison des idées du Parti Québécois provoque vraiment un grand changement et qu’elle emporte avec ses feuilles mortes les dernières ruines qui empêchent la venue du printemps.
Bernard, il faut que tu partes. Il est temps, Bernard. Tu l’as dis toi même dans ce film dont tu es la vedette : «Il faut que je partes». Et avec toi disparaîtra l’ombre de Monsieur.
Dans ton sillage disparaîtra enfin ce parti qui est unique, mais qu’il faut savoir laisser aller. Pleurez, partisans, mais observez bien derrière vous : une foule d’initiatives citoyennes poussent partout, partout, et souvent là où vous les avez semées.
Un spectre hante le Québec : celui d’un automne qui ressemblera à un printemps. Il est grand temps que la gauche expose publiquement, à la face du Québec, ses conceptions, ses buts, ses tendances. Qu’elle se délivre enfin de la Légende et existe par soi-même.

Indépendance, il faut que tu partes.

Et moi aussi…
La grande saison du changement m’emporte aussi. J’ai rasé mes cheveux bien courts, me suis inscrit à toute une foule de cours. Je ne serai pas bien loin, mais pas si proche. Le petit journal que j’ai connu il y a 2 ans m’a permis de vivre tout plein d’émotions. Merci !
Je vous laisse avec les mots de Khalil Gibran :
Adieu à vous et à la jeunesse que j’ai passé avec vous.
Ce ne fut qu’hier que nous nous rencontrâmes en un rêve.
Vous avez chanté pour moi dans ma solitude, et moi de vos aspirations j’ai bâti une tour dans le ciel.
Mais à présent notre sommeil a fui et notre rêve est passé, et ce n’est plus l’aube.
Le milieu du jour est sur nous et notre demi-réveil s’est transformé en plein jour, et nous devons nous séparer.
Si dans le crépuscule du souvenir nous nous rencontrons à nouveau, nous nous entretiendrons ensemble et vous me chanterez un chant plus profond.
Et si nos mains se rencontrent en un autre rêve nous construirons une autre tour dans le ciel.

Bon, c’est peux-être poussé un peu loin, mais l’esprit est là!
Que vive le Concordia français!

Éditorial commentaire Cf, septembre 2004: 1700$

1700 $, c’est le coût du numéro d’avril du Concordia français. Ces 1700 $ provenaient des poches des étudiantes et étudiants de l’Université Concordia, confiés au Concordia français pour produire un journal francophone d’opinion et de création.

Hors, ce journal n’est pas resté plus de 48 heures sur les présentoirs.
Il a disparu.
Quelqu’un a fait le tour des points de distribution et a fait passer toutes les copies à la trappe.
C’est 1700 $ qu’une merde d’individu a fait disparaître, mais c’est aussi un crime inchiffrable contre la liberté d’expression. Pour moi, c’est du fascisme.
Curieusement, la une et l’article ouvrant ce journal traitaient de la crise israélo-palestinienne. Un article tout en nuance, au demeurant, et ouvert sur la différence. Y’a-t-il un lien entre ce sujet et la disparition du journal? À Concordia, malheureusement pas étonnant que la question se pose. Et se réponde d’elle-même.
L’intolérance est un crime grave et j’espère qu’un maximum de gens est avec moi pour la dénoncer. D’ailleurs, je suis prêt à parier que celui qui a fait ça a une petite bite.

Éditorial Cf, avril 2004: moi, ma Mini-Cooper et mon Évolution

Il y a une place où apprendre à pratiquer la démocratie. La semaine dernière, les étudiants de Concordia terminaient le cours « émocratie 201» sur le campus. Les résultats sont déplorables.

L’équipe Évolution, (ré)élue le jeudi 25 mars par un peu plus de 50 % des votes exprimés, n’est certainement pas composée de p’tits yâbles, comme disait ma grand-mère. Je connais personnellement la sincérité et l’ouverture d’esprit de certains des membres qui occuperont maintenant les bureaux du 6ième étage du pavillon Hall et dont le Concordia français a bénéficié. Et puis il n’est pas faux de dire, comme l’affirmait un courriel de Hillel qui a circulé avant les élections, que l’équipe Évolution « a fait un travail positif cette année ».

Pourtant la semaine dernière, je n’ai pas voté pour l’équipe, qui n’a probablement pas lu Darwin. Ma raison? Leur campagne électorale. Certains disent qu’elle était révoltante, dégoûtante, voire carrément illégale. Ce n’est pas les mots que j’utiliserais, parce que les gens qui ont mené cette campagne l’ont « menée du haut de leur sincérité. C’est ça qui est profondément déplorable.

Ces gens sont convaincus qu’utiliser des méthodes de primates pour installer des affiches électorales, c’est correct. That’s the way things are done. (D’ailleurs, Brent, un de tes primate a pété un présentoir du Concordia français, niveau mezzanine, en posant l’une de tes affiches – beau travail pour avoir l’air cool sur ta photo, en passant – j’envoie la facture à ton équipe ou aux Stingers?).

Ces gens sont convaincus que mettre leur posters léchés tout le tour d’un p’tit char cool, stationné juste en face de l’école comme des vendeurs de coussins le font souvent, c’est le bout de la marde en manière de promo.

Ces gens-là mettent en tête de leurs promesses électorales une négociation avec la ville pour obtenir des espaces de parking avec parcomètres qui vont jusqu’à 4 heures! On a beau être « modérés », mais sacrament! Pas besoin de jeter tout l’idéalisme avec l’eau du bain! Suivent ensuite, comme alléchantes promesses, la diffusion accrue de films, etc. Une poignée de bonbons avec ça? Mais ils sont quand même corrects avec Dame Nature : ils invitaient encore une fois cette année à récupérer leur flyers verts. Maman les aimerait tellement.
Ces gens-là sont convaincus que pour triompher, c’est correct de mettre certains principes de côté dans l’immédiat d’une campagne électorale. Je ne dirai même pas qu’ils ont essayé de séduire un électorat infantile par des techniques malhonnêtes directement tirées du cours « marketing pour toaster », car dans le fond, ils utilisent des techniques qui les convaincraient eux-même. Ils ont été eux-même. Pas malins, juste petits.

Moi, j’ai trouvé ça déplorable et décevant. Une majorité d’étudiants n’a pas pensé comme moi. Ils étaient probablement trop occupés pour penser, de toute façon : c’est si dur de trouver du parking pour sa Mini-Cooper autour de Concordia, ces jours-ci. Qui peut se permettre de penser?

En passant, est-ce que quelqu’un peut dire à l’association des diplômés de mettre son fric ailleurs? Des annonces dans tous les grands quotidiens montréalais, dans (presque) tous les journaux étudiants du campus, des envois postaux massifs et des affiches géantes, tout ça pour nous rappeler de voter aux élections générales du CSU… En plus d’être paternaliste (regardez, je ne suis pas encore diplômé mais je sais que je dois aller voter, ok?) et de soulever des questions quant à leur motivation réelle, ça fait franchement mal au cœur quand on pense à tout l’argent qui est investi dans cet exercice stérile de leur part. Et puis on est capable de se rendre compte que c’est l’administration qui est derrière eux. Bande de marionnettes! Vous pouvez pas payez le parcomètre de ma Mini-Cooper à la place?

Merci!
C’est une année scolaire extraordinaire qui s’achève pour le Concordia français : vous nous avez fait le privilège de nous accorder une sécurité financière et le journal a continué à s’améliorer et à s’encrer plus profondément sur le campus. Un nombre croissant d’entre vous collabore aux différentes étapes dans le processus de production du journal, qui est dorénavant plus gros (20 pages, sans publicité! Pas même celle de l’association des diplômés!). Nous comptons parmi nos collaborateurs et collaboratrices des francophones et francophiles de tous horizons et originaires de partout à travers le monde, ce qui me permet d’affirmer que le Concordia français est le journal sur lequel le soleil ne se couche jamais. Pour plusieurs d’entre nous, donc, la maison nous rappelle pour l’été. La prochaine édition du journal est prévue pour le début de septembre. N’hésitez pas à nous écrire si vous voulez en faire partie! Date de tombée? 1er août.

Erratum
Dans le dernier numéro du journal, l’édition Mars 2004, l’article « tes-vous un Suroît sur deux pattes? » a été erronément attribué à Amélie Baillargeon. Toutes nos excuses à celle qui en est la véritable auteure, Claudie Laberge.

Chronique sport: dans la ruche. La dégelée des plaines d'Abraham.



On y a tous cru : gonflés par une saison régulière formidable (7/1) et par une éclatante victoire en demie-finale qui a remis à leur place les Carabins de l'UdeM, tout les espoirs étaient permis. La coupe Dunsmore était à portée des doigts.
Mais comme vous l'avez tous déjà lu dans The Link, c'est par un après-midi d'automne ensoleillé mais sibérien que nos piqueuses se sont présentées à Québec, le 8 novembre dernier, pour aller recevoir sa dégelée de la saison. Le Rouge&Or, évoluant en terrain connu devant leur 15 000 spectateurs en délire, ont très rapidement imposé un rythme effréné à ce match à sens unique : une défaite de 59 à 7. Les Stingers laissent ainsi s'échapper la finale de la Conférence du Québec pour une deuxième année consécutive.


Inutile de s'épandre sur les détails du match, autrement que pour souligner combien il a été difficile pour Jon Bond de trouver des ouvertures lors de cette partie. Le premier essai complété des Stingers est survenu en 2ième demie, après un peu moins de 28 minutes de jeu. En tout, les Piqueuses sont revenues à Montréal après avoir gagné de peine et de misère 160 verges dans tout le match, contre 401 pour les vainqueurs.
C'est une fin de saison en queue de poisson, donc, pour les habitants de la ruche. Pourtant il faut tenir compte de deux choses. Considérons d'abord la première : une saison formidable vient de se terminer et Concordia peut garder la tête haute avec son enviable position au classement canadien. Aucune défaite entre le 20 septembre et le 1 novembre (y compris un gain de 38/30 sur ce fameux Rouge&Or), une position dominante dans l'Ile de Montréal (les piqueuses ont remporté la coupe Shaugnessy sur McGill le 18 octobre et ont éliminé l'équipe «Cendrillon» de l'année - L'UdeM - le 1er novembre), et la fierté d'être une école qui a réussi tout ceci avec un budget au moins 2/3 moindre que celui de Québec.
En deuxième lieu, considérons que ce n'est pas n'importe quelle organisation qui est finalement venue à bout de nos guerriers. Le Rouge&Or est une incroyable machine, et beaucoup se demandent s'ils pourront être arrêtés cette année. Il faut dire que si l'on se souvient de la sortie de l'entraîneur McGrath contre les conditions, disons, confortables - autant au plan financier que sur le manque de rigueur de l'encadrement académique des joueurs de l'Université Laval - on réalise que les nôtres ont tenu tête à une équipe qui tient plus du niveau semi-professionnel qu'universitaire.
Jean-Michel Paquette, qui n'a pas joué lors de la finale en raison de sa commotion cérébrale - il avait fait l'étoile dans la dernière minute du match contre le Carabin le 11 octobre - à été gracieusement et chaleureusement salué par la foule réunie au PEPS de l'Université Laval. Un beau geste pour ce joueur qui en était à sa dernière saison avec les Stingers. L'équipe des sports tient aussi à souligner l'apport de ce joueur bourré de talent, qui aura fait vivre de grandes émotions à ses partisans. Salut Jean-Michel!

Ailleurs dans la ruche…
La saison de football terminée, c'est maintenant le temps de rendre aux autres sports l'attention qui leur revient de plein droit. Parlons donc d'abord rugby. La saison s'est terminée le 2 novembre chez les hommes contre Bishop, dans une défaite de 24 à 14. Ils ont fini la saison régulière au 3ième rang du classement, avec une fiche de 4 victoires, 3 défaites et une nulle. Rien de particulier à en dire.
Du côté des femmes cependant, c'est une défaite difficile de 30-0 contre McGill - leur bête noire - qui a terminé précipitamment la saison le 25 octobre. La saison fut pourtant magnifique, avec une fiche de 5 victoires et une seule défaite en saison régulière (contre… McGill!). Bref, c'est le même scénario que l'année dernière qui se répète. La domination de McGill sur Concordia - et sur la conférence - perdure depuis beaucoup trop de temps déjà. Souhaitons que le sort tombé cette année sur le Redmen au football pourra s'étendre au rugby féminin l'an prochain.
Au soccer masculin, après une victoire à l'arrachée en demi-finale (2-1) contre l'UQTR, second au classement, les Stingers se sont inclinés en finale de conférence contre Montréal le 2 novembre dernier par un tout petit but. Une belle saison encore cette année, mais une fois de plus la finale échappe aux nôtres. Encore une fois, depuis au moins 5 ans.
Une saison moyenne chez les femmes dans le même sport, avec une fiche négative de 6 victoire, 7 défaites et 19 points au classement derrière Laval (36), McGill (36) et Montréal (27). La jeune recrue Mélanie Poirier, dont on attendait beaucoup, a été la meilleure pointeuse des piqueuses, avec 6 points, au 14ième rang individuel de la conférence.
La saison est commencée depuis moins d'un mois au hockey masculin et les abeilles-sur-glace ont une intéressante fiche, puisque deux victoires contre Ryerson et UofT lors du Week-End du 8 novembre. Nous les suivrons avec attention. Les femmes, elles, sont parties sur le chapeau des patins avec une série de victoires uniquement interrompue par une nulle contre McGill le 8 novembre. À voir : un match très spécial aura lieu à Concordia le 24 novembre contre l'équipe nationale de Chine, rien de moins.
Au basket, en tournoi comme en match-exhibition, les Stingers ont tout raflé alors que les matchs de la ligue commencent le 14 novembre contre les numéro un au classement de l'an dernier : l'Université Laval. Pour les femmes, la fiche pré-saison est un peu moins reluisante, mais la saison régulière est toujours devant elles et commence le même week-end que pour leur collègues mâles, contre cette même université à l'autre bout de l'autoroute 20.
J'avais promis de vous parler d'aviron, et je ne le ferai pas. C'est partie remise. J'invite cependant tout ceux qui le souhaitent à me soumettre les noms des joueurs particulièrement méritant cette année chez les Stingers - tous sports confondus. J'offrirai cette hiver une entrevue avec le joueur le plus souvent nommé. Et puis tant qu'à y être, n'hésitez pas à me suggérer un meilleur nom pour cette chronique. Amis des sports, à janvier prochain!

Concordia français, décembre 2003

Chronique sport: dans la ruche


Les Redmen s'effondrent, les Carabins triomphent, les Stingers tirent leur épingle du jeu


Un mois de septembre ordinaire pour Concordia, qui conserve une fiche moyenne. Par contre deux tendances lourdes retiennent notre attention ce mois-ci au football : l'incroyable écrasement des Redmen, et l'époustouflante performance des Carabins de l'Université de Montréal.
Les Piqueuses nous ont offert un mois de septembre très honnête en ce début de saison universitaire : des gains appréciables, et quelques défaites. Au rugby d'abord, les Piqueuses ont inscrit deux gains par blanchissage contre l'ETS et Sherbrooke, mais ont aussi subi la défaite 22-0 contre Bishop, qu'elles avaient d'abord affronté le 7 septembre dans un match qui s'était terminé 25-25. Nos adeptes de la bine espagnole se retrouvent donc au 3ième rang avec 6 points au classement, loin devant McGill (2 points). Malheureusement, aucun match n'est prévu au calendrier contre l'excellent Rouge&Or de L'U. Laval. Au moment d'envoyer ce texte, un match important opposant l'équipe à McGill aura lieu le 1er octobre, au stade Loyola. Côté demoiselles, on se retrouve pour l'instant en tête de classement avec 5 points et des victoires décisives par blanchissage, mais à égalité avec McGill, qu'elles affronteront le 15 octobre prochain au stade Molson.

Le football maintenant : étonnant mois de septembre! Alors que la conférence accueillait un nouveau membre, le Vert&Or de l'Université de Sherbrooke, les Carabins de l'UdeM ont créé la surprise en s'imposant devant chacun de leurs opposants. Les Carabins ont tout gagné, y compris une victoire 12-11 sur les Redmen. Redmen qui ont dû sortir de la province avant de trouver la victoire ce mois-ci, en battant Acadia U. 27-6. Le Rouge&Or de l'U. Laval, lui, semble invincible avec aucune défaite et 141 points produits en seulement trois matchs. L'équipe de Québec a battu Concordia 47-21 le 14 septembre dernier. Mais le moment doux du mois est survenu pour nous le 27 septembre dernier, quand nos Piqueuses ont triomphé décisivement sur les Redmen 46-1, remportant devant 4000 partisans la fameuse coupe Shaugnessy, et départageant les deux rivaux montréalais depuis 35 ans. Considérant les succès des Carabins, peux-être devra-t-on bientôt considérer d'inclure la nouvelle équipe dans la compétition pour cette coupe purement montréalaise. Concordia affrontera les Carabins le 11 octobre à l'UdeM. Je vous reparlerai de ce match qui risque d'être l'un des plus intéressant cette année. Montréal affrontera une seule fois Laval cette saison, le 26 octobre à Québec. Vers une saison-Cendrillon pour les Carabins?

Deux victoires, deux défaites, une nulle pour les hommes au soccer ce mois-ci; en d'autres mots, un mois bien médiocre. Signalons tout de même qu'ils ont tenu tête à l'excellente équipe de l'UQTR, 2ième au classement, en terminant le match à égalité. La défaite 3-0 contre Laval est quand même fort décevante considérant la force relative de la 5ième équipe au classement, avec 6 points. Un match important et potentiellement à sens-unique se déroulera le 3 octobre contre la première équipe au classement, Montréal. Un mois quelconque chez les pousseuses de ballons aussi : 3 victoires/3 défaites. 6 points au classement, que McGill et Laval mènent avec 12 et 10 points. Les Piqueuses affronteront Laval le 19 octobre, et McGill le 26 au stade Loyola.

Tel que mentionné lors de la dernière édition, une marque de chaussures bien connue commandite un tournoi de basket à Concordia. Mes renseignements semblant inexacts, ce tournoi n'aura pas lieu en plein congé des fêtes, mais bien les 10 et 11 octobre. L'édition du journal que vous tenez en main présentement étant probablement subséquente à ce tournoi, je me rattrape en vous conviant au premier match à domicile de la saison régulière, le 15 novembre contre McGill. Notre équipe aura affronté la veille le Rouge&Or à Québec. Les XY quant à elle commencent la saison par une longue série de matchs sur la route, le premier match à domicile ayant lieu le même jour que leur collègue XX, contre les Martlets (les XY de McGill).

Côté hockey, c'est au mois d'octobre que commence la saison régulière pour les équipes des deux sexes : le 11 pour les femmes à Ottawa, et le 24 pour les hommes, à domicile contre McGill. Malgré une saison exécrable l'année dernière, on leur souhaite tout le succès espéré, et on souhaite à McGill la damnation qui pèse actuellement sur leurs collègues au football.

Pour octobre, on demande donc un peu plus de volonté de vaincre aux équipes de rugby et de soccer, autant féminines que masculines. Toutes ces équipes ont encore le potentiel de nous étonner cette saison. Au football, on surveille l'épatante saison des Carabins, et on se réjouit de notre domination - et celle de la province entière - sur les Redmen de McGill. Il fait bon de s'essuyer les souliers sur cette sorte de tapis. Soyez nombreux à suivre nos Piqueuses ce mois-ci, elles le valent bien, comme dirait quelqu'un dont j'ai oublié le nom.
Le mois prochain : pas d'équipe d'aviron à Concordia??